Le Printemps de Bourges au féminin

Le Printemps de Bourges au féminin
Angèlique Kidjo au Printemps de Bourges 2014 © V.Passelègue

Le Printemps de Bourges se poursuit jusqu’au 27 avril avec un nombre foisonnant d’artistes venant d’horizons très différents. Mais qu’en est-il de la représentation féminine dans cette programmation ?

Comme chaque année, le Printemps bruisse de nouveaux noms dans le paysage musical français. C’est entre autre, grâce à la scène des Inouïs que les festivaliers font de nouvelles découvertes. L’an passé, Christine and the Queens figurait dans cette programmation. L’édition 2014 l’a présentée sur la scène de l’Auditorium et certains commencent à penser que la jeune femme qui se cache derrière ce pseudo, Héloïse Letissier, pourrait devenir le nouveau phénomène de la scène électro-pop française. Elle s’apprête d’ailleurs à sortir un album en juin prochain, lequel est déjà précédé d’un single de haut vol, Saint Claude.  

Ah les femmes ! Elles ne sont pas si nombreuses à pouvoir se faire une place dans le monde de la musique. Les programmateurs du Printemps se targuent d’avoir réussi à en programmer 30% ! Et c’est plutôt pas mal. Ce vendredi 25 avril, plusieurs d’entre elles ont donné de la voix dans les différentes salles du festival. Et quelles voix !
 
Alors que dans cette même journée, l’on pouvait croiser aussi deux représentantes politiques, Anne Hidalgo, nouveau maire de Paris ainsi que la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, la Réunionnaise Christine Salem, la Béninoise Angélique Kidjo et la Française Emilie Simon, montraient si cela était encore nécessaire, l’étendue de leur talent.
 
Le maloya de la Réunion est le plus souvent porté par des artistes enthousiasmants. C’est le cas avec Christine Salem qui se produisait à l’Auditorium, entourée de deux percussionnistes. Une coupe afro, des créoles aux oreilles, une voix profonde et puissante, cette artiste rappelle que cette musique a été interdite pendant longtemps sur cette île de l’océan Indien. Aujourd’hui, elle voyage à travers le monde entier et rallie à elle, sans problème, un public qui lui reconnait beaucoup de sincérité et un profond attachement à sa culture.
 
Que dire d’Angélique Kidjo qui poursuit sur cette même scène de l’Auditorium ? La chanteuse béninoise, installée aujourd’hui aux Etats-Unis, rappelle à chaque morceaux, son engagement aux côtés des femmes africaines. C’est le cas quand elle chante le répertoire de la grande Miriam Makeba (Malaika ou Pata Pata). C’est le cas quand elle évoque sa maman, Yvonne, qui chante avec elle sur son dernier disque Eve. C’est le cas encore quand elle parle de l’importance de l’éducation des jeunes filles en Afrique ou quand dans une chanson intitulée Bomba, elle rappelle la dignité et l’élégance des femmes africaines. Une femme engagée qui sait aussi faire le show et propose toujours une musique ouverte aux autres.
 
Le Printemps de Bourges cultive l’éclectisme et après avoir laissé ces fortes personnalités que sont Christine Salem ou Angélique Kidjo, le public pouvait aller écouter la charmante mais néanmoins chef de bande, Emilie Simon.
 
La chanteuse française qui vient de sortir un album intitulé Mue, se présente elle-même et ses musiciens dans des costumes d’inspiration néo-folk alors même que la jeune femme flirte dans sa musique, avec des styles comme le rock, la chanson, la pop, et même avec la new wave sur certains titres. Sa voix de très jeune fille n’entrave en rien ses envolées rock. Le public est conquis par ce contraste affiché entre une musique relativement sophistiquée et une fraicheur vocale qui ne semble pas s’altérer avec le temps. Une sorte d’éternelle jeunesse artistique…

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3 questions à Angélique Kidjo
 
Vous tournez beaucoup. Adaptez vous vos concerts au public que vous avez devant vous, qu’il soit à Washington, Cotonou ou Bourges ?
Je n’ai jamais pris un public pour acquis. Quand je monte sur scène, c’est à chaque fois nouveau, car les réactions du public sont différentes. Je déteste les généralités du genre : « Ah les Français sont comme ça, les Anglais sont ci… » Je dis toujours que mon public fait partie de mon concert. A partir du moment où je monte sur scène, j’ai toujours en tête cette phrase de ma mère : « il faut être nu spirituellement pour pouvoir toucher l’âme des autres ». La musique est un langage universel.
 
Vous venez de sortir un album Eve, un album de femme, avec des femmes, pour défendre la cause des femmes. Y a-t-il une portée politique forte à cet album ?
Pour chaque album que je fais, il y a toujours une portée politique parce que ce sont les gens qui m’inspirent. Et mon inspiration vient de mes voyages, ceux notamment que j’ai faits avec l’Unicef. Mais aussi de mes tournées, y compris en Europe. Je me suis rendue compte que les problématiques de violences faites aux femmes ne concernent pas que l’Afrique. Cela concerne aussi les pays riches et développés. Je pense que pour régler les problèmes des femmes et pas seulement la violence qui leur est faite mais aussi les problèmes d’inégalité, il faut avoir une discussion complètement dépassionnée et mettre les faits sur la table.
 
Votre carrière est jalonnée d’un nombre de collaborations incalculables, de Philip Glass à Carlinhos Brown, en passant par le Kronos Quartet, Lokua Kanza ou Asha…Existe-t-il encore des artistes avec qui vous souhaiteriez travailler ?
Il y en a toujours ! Comme je vous le disais, la musique est un langage universel et chacun le parle différemment. Ce qui m’intéresse dans ma démarche, c’est de prouver aux uns et aux autres que nous ne sommes pas aussi différents que ça. Si on arrive à aimer les mêmes musiques d’un endroit de la planète à l’autre, parfois sans comprendre ce que l’on dit vraiment, on fait alors partie de la même famille humaine. A partir de là, je ne peux comprendre, les génocides, le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Mon père avait l’habitude de me dire que c’est la peur qui crée tout cela. Mais ou est la raison ?
Je me rends compte que la musique est vraiment un langage, ça n’a pas de frontières, ça n’a pas de couleur, ça n’a pas de nationalité, et faire des collaborations avec d’autres artistes, c’est pour moi montrer aux jeunes générations, que s’inspirer des autres, c’est pas mal, mais il faut amener quelque chose de soi même : il faut que vos tripes se fassent entendre, il faut que votre cœur soit là et que cette vérité puisse résonner chez un autre. C’est une chaine en fait. Et s’il n’y a plus de culture, s’il n’y a plus de musique, s’il n’y a plus d’art, il n’y a plus d’humanité. 

Site du Printemps de Bourges
Page Facebook du Printemps de Bourges

A écouter aussi : le Rendez-vous Culture de RFI (25/04/2014)