Quand Astaffort fait fort
Créée en 1992 à l’initiative de Francis Cabrel à Astaffort, l’association Voix du Sud organise chaque année depuis 1994, les Rencontres d’Astaffort : des stages comme des ateliers créatifs autour de la chanson, réunissant de jeunes artistes indépendants, encadrés par une équipe de professionnels du monde de la musique et parrainés à chaque session par un artiste reconnu, cette année, Dominique A. Les 37e Rencontres ont eu lieu du 3 au 11 octobre dernier. Reportage.
Alors que l’on franchit la porte de la cour de (ré ?)création, entre les murs de l’association Voix du Sud de la petite commune d’Astaffort, on arrive au milieu d’une partie de foot endiablée où garçons et filles viennent d’envoyer le ballon chez le voisin. A voir cette bande de joyeux lurons, on a du mal à croire qu’ils viennent de créer une quarantaine de titres en 5 jours, parmi lesquels 16 seront sélectionnés pour figurer dans le spectacle du surlendemain.
Au casting : quinze stagiaires, débutants ou baroudeurs de la chanson : Jenna B, Kevin Castagna, la Belge Dyna B, Joko, Julien Zabel, Margaux Simone, Greg Laffargue, la Québécoise Geneviève Morissette, Cécile Hercule, Emilie Marsh, BATpointG, la Gabonaise Annie-Flore Batchiellilys, Erwan Wallace (l’une des voix des Hurlements d’Léo), Benoît Dorémus et Oldelaf.
Il y a une semaine la plupart d’entre eux ne se connaissaient pas, et se sont retrouvés, du jour au lendemain, à vivre et travailler ensemble. Le principe : écrire, composer, et interpréter des créations en petits groupes, en travaillant pour les autres. " On rentre ici nos sacs pleins de ‘je’, et on doit les remplir pleins de ‘nous’ ", décrit Annie-Flore. Une fois n’est pas coutume, tout le monde s’accorde à dire que la mayonnaise a très vite pris entre ces quinze-là : en quelques jours à peine, les affinités étaient bel et bien développées, et riches de surprises.
Un véritable travail d’équipe.
Bien sûr, pour canaliser les énergies et coordonner les plumes, ils n’étaient pas livrés à eux-mêmes, et étaient même particulièrement bien entourés, notamment par Julien Lebart (composition) et Christian Alazard (identité vocale et arrangements). Mais aussi par Marc Estève (auteur pour Juliette Gréco, Zebda, Maurane, Art Mengo…), qui les a aidés à travailler dans l’urgence : " Dans la vie d’un artiste, on peut prendre d’un mois à cinq ans pour écrire une chanson. Ici, il faut faire une chanson par jour. Donc, j’ai quelques petites ficelles que je suggère aux stagiaires, sans être là pour imposer mon point de vue. Le gros challenge, c’est que parfois les artistes se disent auteur/compositeur/interprète parce qu’ils n’ont pas forcément rencontré les personnes avec qui travailler. Parfois, il vaut mieux qu’ils laissent la composition pour se concentrer sur l’interprétation, ou qu’ils passent le cahier à quelqu’un d’autre. "
Lors de cette session, les routes ont croisé les chemins de traverses, les histoires des uns ont nourri l’imagination des autres. Annie-Flore a d’abord connu une belle carrière au Gabon avant de se voir interdire d’exercer son métier : elle s’était en effet exprimée politiquement au moment des élections anticipées de 2009. Alors qu’elle enregistrait une maquette en France, elle s’est entendu dire qu’il fallait qu’elle arrête de rouler les " R ", qu’elle chante " comme Ophélie Winter ". Comme dans sa langue, " que l’on dise je t’aime ou bonjour, les R c’est vraiment tout ", BATpointG et Julien Zabel ont eu l’idée de composer pour elle Dans l’R du temps.
Emilie Marsh et Cécile Hercule se sont rendu compte, quant à elles, qu’elles pouvaient faire des choses qu’elles n’auraient pas osées pour elles-mêmes habituellement. La première, à la composition ou à l’accompagnement, a libéré son " côté rock ", empruntant pour ce faire, sur place, la guitare électrique de Francis Cabrel.
Cécile, sollicitée par Emilie afin d’écrire sur sa musique un texte que cette dernière imaginait interprété par Joko, a constaté qu’elle n’aurait pas été capable d’écrire les mêmes mots sur l’une de ses propres compositions." Le lien, analyse Erwan, c’était que chacun lâche un peu son esthétique pour finalement mieux la redéfinir. "
Une fois les seize titres aboutis, c’est à un autre artiste, Philippe Prohom, qu’a été confiée la délicate mise en scène du spectacle final, afin d’obtenir un rendu simple et fluide en dépit des contraintes techniques qu’impose notamment une scène aussi collégiale que riche d’influences musicales.
Dominique A et Francis Cabrel
Les deux jours de filage se sont déroulés sous l’œil bienveillant de Dominique A, qui nous a avoué regretter de ne pas être arrivé plus tôt : " Je n’avais pas compris que c’était l’élaboration d’un spectacle. J’arrive pour parrainer de façon symbolique un concert. J’étais flatté d’être choisi par Cabrel pour être parrain. C’est l’un des rares de cette génération-là que j’aime vraiment, musicalement, en termes d’écriture et d’approche du son. On sent dans ses disques un truc boisé qu’il a été cherché, une approche sonore qui fait souvent défaut en France."
Le parrainage de Dominique A fait suite à ceux de Jeanne Cherhal et Grand Corps Malade. " L’idée d’inviter Dominique est une décision collégiale, nous a confié Francis Cabrel, c’est quelqu’un qui a construit un répertoire, qui tourne beaucoup et qui s’est constitué un public archi-fidèle au courage, à la persévérance, au talent, sans exposition médiatique excessive. En fait, ça nous ressemble. C’est l’esprit d’ici. "
Un final haut la main.
Le soir du concert de clôture, on a pu assister à 1h10 de spectacle haut en couleurs, chaque stagiaire en accompagnant quelques autres sur des compositions de leurs camarades. Entre moments intimes ou plus énergiques, clins d’œil et bons mots, ils ne dissimulaient pas leur joie d’être réunis, et ont également demandé à Francis Cabrel de venir interpréter son Octobre de saison avec eux.
Chansons, slams, accordéon, il y en avait pour tous les goûts. Puis Dominique A leur a succédé pour 1h30 d’interprétation solo de quelques-uns de ses plus grands titres, dévoilant même un morceau inédit, L’Océan, le tout dans un habillage de lumières enchanteresses. Avec une belle surprise au moment du rappel : l’entendre chanter Les gens absents de Francis Cabrel, dans un duo inattendu avec son auteur.
Au final, ces 37èmes Rencontres d’Astaffort furent une belle réussite, tant du point de vue des participants, qu’aux yeux de celui sans qui cette aventure n’aurait jamais vu le jour.
Car si Francis Cabrel s’y fait plus discret depuis quelques années, il reste très disponible pour ceux qui viennent y exercer leur art et en profite toujours en tant que spectateur : " Il y a beaucoup de talents différents. C’était vraiment une très bonne session. On est tombé sur un groupe désinhibé, ouvert, spontané. Ce qui m’a surpris et qu’on n’a pas toujours, c’est des chansons un peu rigolotes et bien tournées. C’est aussi la qualité générale. Quand je vois les stagiaires, tout me rappelle mes débuts. J’avais cette ambition, cette énergie, cette passion pour la chanson. Voir toute cette jeunesse se battre pour faire de jolis textes, ça m’émeut toujours. C’est sans cesse la résurrection. Le cœur de l’histoire c’est eux, pas nous."
Le 16 octobre au China à Paris, co-plateau Emilie Marsh-Joko.
Le 8 novembre à la Bellevilloise,Carte rose à BATpointG, avec Cécile Hercule en 1ère partie.
Le 20 novembre, Benoît Dorémus aux Trois Baudets.
Du 21 au 23 Novembre, Oldelaf à l'Alhambra.
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