Pierre Lapointe, piano majeur
Le chanteur québécois Pierre Lapointe, qui s'est vu confier un billet d'humeur tout l'été sur la radio française, France Inter, surfe sur la dynamique de ce qu'on aurait tendance à appeler "son année française". A deux reprises à l'affiche des Francofolies de La Rochelle, il sera aussi seul au piano ce dimanche 6 juillet à la salle Pleyel - en ouverture de Rufus Wainwright - pour le festival Days Off. Rencontre.
RFI Musique : Pourquoi entamez-vous à nouveau une tournée seul au piano ?
Pierre Lapointe : Il y a une demande et j'y réponds (rires). Ce que j'aime surtout, c'est de faire plein de choses différentes en même temps. Cette année, je propose trois gros shows : le spectacle Punkt, une création au musée Grévin à Montréal et une autre au piano. Il y a un réel plaisir de passer de l'un à l'autre. Cela permet de ne pas s'endormir et de mettre la barre toujours un peu plus haut.
Êtes-vous conscient qu'une partie du public français vous a d'abord découvert dans cette configuration ?
Pourtant, je ne suis pas un grand pianiste (rires). Je me débrouille, mais ça tourne vite en rond. Je me sentais vite limité. Avec la précédente tournée Seul au piano, j'ai fait la paix avec cette idée-là. Les gens viennent voir un auteur de chansons, un interprète et non pas seulement un pianiste. Cette configuration permet d'être en lien direct avec le public et d'avoir une certaine forme de simplicité autour de moi.
Il y a un contraste avec la flamboyance de la tournée Punkt. Vous confirmez ?
Absolument. Lorsque je fais un show avec mon groupe, on passe d'un univers très coloré à quelque chose de plus sombre. Au piano, c'est le répertoire sombre qui revient à la surface. Et j'ai toujours peur que les gens se tirent ensuite une balle dans la tête (rires). Je n'arrive pas à me cantonner à une seule direction. J'ai fait des mises en scène de musique contemporaine, j'ai travaillé avec des DJs comme Kid Koala... Certains voient une seule chose de moi et s'arrêtent à ça. Quand on regarde mon parcours, l'éventail est pourtant très large. Depuis 2001, j'en suis à quinze spectacles différents.
Le piano, c'est votre plus fidèle allié ?
C'est mon instrument de départ. A la base, je ne voulais ni être chanteur ni musicien. Le piano a été le premier mode d'expression que j'ai eu et qui m'a permis de sortir ce que j'avais en moi. Quand je n'allais pas bien, c'était par des mélodies que ça passait. Ma relation au piano est très particulière. De 10 à 17 ans, j'en jouais deux heures par jour. J'étais complètement absorbé par ça.
Sur scène, on sent chez vous une forme d'abandon...
Peut-être parce que je ne suis pas un prodige techniquement parlant. Donc le lâcher-prise ressort davantage. Pour moi, c'est un geste très intime d'être tout seul au piano.
Avez-vous besoin sans cesse de vous repousser dans vos retranchements ?
A une époque, oui. J'avais des choses à prouver, à régler avec moi et le regard de l'autre. Là, ça va mieux. Quand on a connu le succès et quand on voit de l'intérieur ce que c'est réellement, on redescend sur terre. Je préfère désormais ma situation, j'ai l'impression d'être installé dans le temps. Ce qui m'intéresse plus, c'est les relations artistiques. Je suis quelqu'un qui réfléchit par la chanson, par la scène, par la communication.
Est-ce compliqué de conquérir le marché français ?
Ce qui se passe chez vous, c'est à l'échelle humaine et ça me plaît. Le show de l'Olympia en janvier dernier a eu de beaux échos et un superbe accueil. Si j'avais été pris dans le même tourbillon qu'à l'époque au Québec, je pense que je ne m'en serais pas remis (rires). A un moment, j'aurais aimé que ça décolle en France. Longtemps, j'y suis allé en observateur et j'étais choqué par certains comportements. J'ai fini par démystifier le public français, je me suis familiarisé avec votre pays.
Estimez-vous que votre personnage sur scène, très caustique, ait pu dérouter ?
Je le fais exprès pour ça (rires). Je joue avec les codes de communication. Je n'ai jamais cru qu'il fallait m'adapter parce que ça serait prendre les Français pour des cons. Je suis convaincu que l'être humain est brillant et intelligent. Donc quand il s’assoit dans la salle, je me dois de ne pas le prendre par la main. Je le mets au défi. Pour moi, l'espace scénique, ce n'est pas la vraie vie.
Pierre Lapointe en concert le 6 juillet à la salle Pleyel à Paris
Pierre Lapointe Punkt (Audiogram) 2014
Pierre Lapointe Seul au piano (Audiogram) 2011
Site officiel de Pierre Lapointe
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