Pierre Perret, 80 ans et une âme d’enfant
Pierre Perret fête ses 80 ans ce 9 juillet sur la scène de l’Olympia. Au menu ? Ses plus belles chansons, dont des titres de son dernier album Drôle de Poésie, des surprises, des amis, pour une soirée d’anniversaire de haute voltige ! A cette occasion, le créateur du Zizi évoque pour RFI Musique, ses débuts, sa popularité, ses engagements poétiques, ses pieds de nez, et ses plus beaux souvenirs. Sous chacune de ses réponses, il faut savoir entendre son rire contagieux : les éternels éclats de malices, plein de pertinence, d’un grand enfant, qui n’a jamais vraiment mis les deux pieds dans le monde adulte … Rencontre.
RFI Musique : Vous célébrez vos 80 ans. Que symbolise cet âge pour vous ?
Pierre Perret : Ça m’est tombé sur la théière un beau matin. Mais pour moi, ce n’est rien d’autre que quatre fois vingt, un âge dont j’ai l’impression de ne jamais avoir décollé ! Vous savez, quand on vit de sa passion pour l’écriture – 500 chansons, une vingtaine de bouquins –, le temps file vite ! Avec un amour intarissable, je continue sans cesse d’écrire, je planche sur mon prochain disque… Un grand âge, certes, mais une foi intacte !
Avant l’Olympia, vous avez donné un concert, le 16 juin dernier, aux Trois Baudets à Paris, lieu mythique de vos débuts. Qu’incarne cette salle pour vous ?
C’était il y a cinquante-sept ans. Les Trois Baudets organisait des sortes de radio-crochet. Souvent, le tour de chant des candidats se concluait par : "Merci, on vous écrira…". Au terme de ma prestation, un grand type vint me voir, avec ces mots : "Toi, il faut que tu continues. Il te reste des progrès à réaliser, mais tu as un truc ! Tu iras loin". Moi, pétrifié, tout rouge, je bafouillais : "merci, monsieur... " Ce à quoi il répondit : "Cesse donc de m’appeler Monsieur. Mon nom, c’est Vian. Boris pour les dames… " Alors, me revoilà, quelques décennies plus tard, en ce même lieu, comble, bourré jusqu’à la gueule. Parti pour chanter une heure quinze, je suis resté plus de deux heures sur scène. Résultat ? Un kilo et demi en moins, et de l’eau plein les godasses ! En fin de concert, mon ami Lionel Jospin*, m’a fait ce beau compliment : "Pierrot, tu as réussi ce tour de force : créer les chansons les plus populaires du monde, sans jamais sombrer dans le populisme".
Avoir réussi à rester immensément populaire sans céder à la facilité : est-ce là, selon vous, le secret de votre longévité ?
Oui ! Je n’ai jamais suivi les modes, donc je n’ai pas été dépassé. Au final, je n’ai écrit que les chansons de mon cœur, avec la plus grande exigence possible. Il y eut, bien sûr, des résistances, des critiques, mais comme le dit l’adage : "On ne peut contenter tout le monde et son père !"
Certaines de vos chansons, engagées, sont aujourd’hui enseignées dans les écoles ! Une fierté ?
A vingt ans, sans autre projection que le quotidien joyeux de mon métier, j’étais à mille lieues d’imaginer qu’un jour, trente écoles, des bibliothèques, des rues, des places, porteraient mon nom ! Que Lily serait sujet du baccalauréat ! Que des enseignants apprendraient à leurs élèves La Bête est revenue, Riz Pilé, ou La Petite Kurde… Ou qu’au fronton de certaines écoles, s’inscrirait cette phrase : "Et l’enfant qui naîtra un jour aura la couleur de l’amour contre laquelle on ne peut rien"… Une source d’émotion vive !
Vos titres plus légers (Le Zizi, Les Colonies…) ont aussi eu un impact sur la société française …
En 1974, en France, date de sortie du Zizi, on ne parlait pas de sexe sur les ondes ! Sujet tabou ! Je jouais le provocateur, le poil à gratter, pour bousculer les normes ! Ainsi, depuis la fenêtre de ma cité HLM de Gennevilliers, du haut de mes rêves d’espaces verts, je composais Donnez-nous des jardins, une chanson écologique avant l’heure ! Mes créations, entre humour, dérision et gravité, reflètent leurs temps, l’épousent en une contredanse…
Quels furent les meilleurs souvenirs de votre carrière ?
J’ai joué dans des salles combles depuis 50 ans, composées de toutes les professions – boulangers, enseignants, médecins, routiers… – et de tous les âges, du bambin en couche-culotte au vieux schnock. Dans mon auditoire, tout le monde chante en chœur ! Rien n’y fait : je creuse, en vain, parmi mon répertoire moins connu... Je me souviens surtout d’un concert mémorable aux Vieilles Charrues (2011). Parmi les 60.000 jeunes du public, aux yeux béats, on aurait entendu une mouche voler. Ils s’écroulaient de rire à l’écoute de La Corinne. Une émotion à couper au couteau les submergeait sur Mon P’tit Loup, ou La Femme Grillagée…Partout, fusaient des "Pierrot, on t’aime !". Seul devant mon micro, sur un plateau immense, je recevais des vagues d’émotion intenses ! Je me rappelle aussi un concert aux Tuileries, un 14 juillet : une marée humaine, à perte de vue, de 200 à 300.000 personnes, s’est mise à chanter Ouvrez la cage aux oiseaux. Après cela, il n’y a plus qu’à pleurer de bonheur !
Lors d’une interview à France 24, vous avez avoué : "J’ai toujours refusé le statut d’adulte. Et je crois que c’est trop tard pour moi"…
Oui, je n’ai jamais vraiment intégré le monde des adultes. J’évolue dans celui de mes chansons qui recèle toute une gamme d’émotions, non accessibles aux "grands". Les adultes ne le sentent pas, mais les enfants le savent. J’ai accordé aux gamins la permission de surpasser les frontières. Je leur ai donné des "vocables interdits". Je ne me suis moi-même jamais refusé aucun mot ! Lorsqu’un enfant parlait de "cul cousu" (Tonton Cristobal) dans la cour de récréation, il me dénonçait : "c’est pas moi, c’est Pierre Perret !" Sous mon nom, ils en ont fait des bêtises ! J’étais loin de me douter de la pléthore d’ouverture de "cages aux oiseaux", suite à la chanson ! L’une de mes spectatrices est même venue m’embrasser, parce qu’elle me devait, pour cette bonne cause, sa première baffe ! Je suis le garant de la moralité des enfants… mais aussi le chantre de leurs aspirations vers la liberté !
Pierre Perret en concert à l'Olympia le 09 juillet
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