Régine, chansons en fête

Régine, chansons en fête
Régine, 2016 © J. Vachon

Propriétaire de multiples night-clubs, entrepreneuse internationale, elle a longtemps régné en maîtresse des nuits parisiennes. Cette vie dédiée à la fête a relégué sa carrière de chanteuse réaliste au second plan. À 86 ans, Régine remet les pendules à l'heure et se lance dans sa première tournée française. Portrait.

La hardiesse de celles qui ne font que suivre leur instinct. La force de celles qui ne craignent pas de vivre. L'assurance de celles qui se foutent de tout. L'évidence de celles qui décident, dictent, tranchent. Peur de rien ni de personne. Toujours d'attaque. "J'ai une santé hors du commun".

Régine salue crânement sa bonne nature et égrène quelques chiffres de santé : 36,3 de température, 13,7 de tension et 72 pulsations par minute. Jamais une goutte d'alcool, jamais de nicotine. "Mon père s'en est chargé à la place. Mais il était assez marrant sauf quand il se mouchait dans ma robe".

Souvent, les interviews se font loin des lieux de vie. Régine reçoit chez elle, dans le très chic VIIIe arrondissement parisien, à deux pas de l'avenue Montaigne. Son interphone ne triche pas, accolant Zylberberg à son prénom de gloire. L'appartement est une sorte de musée kitsch. Au-dessus de la cheminée trône un immense portrait d'elle. Sans surprise, aucun round d'observation. Elle dit assez vite : "Ma vie, tout le monde la connaît. Je suis transparente, je n'ai rien à cacher. Avec moi, pas besoin de sous-titres". Des réponses claires et nettes, un franc-parler non feint, de l'autoproclamation fréquente. Ne pas s'attendre à ce qu'elle joue sur la corde sensible.
 
Un répertoire formidable
 
Il y a parfois des élans tardifs qui valent toutes les précocités. Régine entame une première tournée hexagonale à 86 printemps. C'est son désir du moment. Sur son CV, il s'agit d'un manquement auquel il fallait rapidement pallier. Elle qui reconnaît un savoir géographique approximatif, va enfin pouvoir situer les villes. Surtout, Régine insiste sur un répertoire qualifié par ses soins de "formidable". "Je n'ai pas n'importe quels auteurs ni n'importe quels orchestrateurs J'ai toujours choisi les chansons qui me plaisaient, je n'ai jamais fait de concessions". Elle cite Gainsbourg, Barbara, Aznavour, Lama.
 
Entendre dire "Laissez passer les p'tits papiers" au lieu de "Laissez parler" l'insupporte au dernier degré. Cette chanson passeport est indémodable et inscrite dans la mémoire collective. Ce tour de chant où les classiques (La grande Zoa, Je survivrai, J'irai pleurer à Bilbao) se mêlent aux raretés précieuses (Les bleus, Un jour je quitterai tout), elle l'a conçue comme "un grand bal", avec une participation active du public.
 
Elle le dédie d'ailleurs à son fils unique Lionel Rotcage, émérite critique musical décédé en 2006. "C'est dans cette activité-là qu'il me préférait. Dans les boîtes de nuit, je ne lui appartenais pas. Le ballet des coiffeurs et des maquilleuses, ça l'agaçait. C'était des moments qu'on lui volait. Je ne m'en suis pas rendu compte pendant longtemps. Vous savez, je n'ai pas eu de mère, j'ai été élevée à droite et à gauche".
 

Reine de la nuit

 
Régine et la nuit, c'est tout un poème. Elle a construit un empire. Vingt-trois clubs aux quatre coins de la planète. Cette frénésie a pris le pas sur son métier de chanteuse. Elle assume pleinement ce choix. À l'entendre, elle a tout vu, tout fait. On la prend même en flagrant délit de mégalomanie. "J'ai inventé la discothèque, le panneau complet, le tapis rouge, la mode du champagne, les feux d'artifice pour les fêtes d'anniversaire. J'ai été copiée partout dans le monde".
 
Pour sélectionner sa clientèle, il lui a fallu de la fermeté, de l'intuition et une certaine intransigeance. Là déjà, elle pouvait décocher des flèches vachardes sans égard pour ceux qui se croyaient tout permis. "Les gens disaient deux phrases et je savais exactement à qui j'avais affaire. Certains m'en veulent encore aujourd'hui de leur avoir refusé l'entrée. Je n'en avais rien à foutre qu'ils soient patrons ou je ne sais quoi". Toutes les stars sont passées par chez elle. Preuve irréfutable dans son dernier livre de photos Mes nuits, mes rencontres. Mais celle qu'elle vénère, c'est Simone Veil. "Une femme admirable et exceptionnelle".
 
Insatiable Régine, une femme aux racines juives-polonaises née à Anderlecht en Belgique, au-dessus de la boulangerie familiale, a toujours eu des rêves de grandeur et s'est constituée sa propre famille. Elle place d'ailleurs l'amitié bien au-dessus de  l'amour. "Si on me trahit, c'est un point de non-retour". Elle dort quatre heures par nuit. Parce qu'elle a trop à faire. Parce qu'il faut constamment foncer pour s'extirper de ce que l'existence a d'insignifiant. "La terre entière se fait chier. Moi je suis une enthousiaste. La retraite, c'est la mort. Je ne sais même pas comment ça s'écrit".
 
Le souvenir est précis. Il ne pleut pas dans sa mémoire. Quand il faut remettre les pendules à l'heure, elle s'en sert comme une arme. " Cela fait chier bien des gens. Je connais les débuts de tout le monde. Ça me fait sacrément marrer d'entendre parfois leurs salades". On ose l’amener sur le terrain de la chirurgie esthétique. Et nous voilà illico renvoyé dans les cordes. "Qu'est-ce que ça vient foutre dans l'interview ? Je n'en ai jamais fait". Vraiment ? Inutile de préciser qu'on s'est bien gardé de formuler l'interrogation à voix haute.
 
Régine en concert aux Folies Bergère à Paris le 14 février 2016
Régine Les 50 plus belles chansons (Mercury) 2015
Site officiel de Régine

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