Avec son nouvel album éponyme, collier de jolies chansons, Mathieu Boogaerts confirme son talent d’auteur-compositeur-interprète… Ici, l’artiste se dévoile encore plus à nu : une transparence et une sincérité, qui n’entrave pas l’envie de briller sur d’autres sommets.
Une cave dans les sous-sols du XIearrondissement de Paris, entre Belleville et République : une voix s’élève, délicate, nuancée, alanguie sur la brise d’une guitare, sur la nonchalance d’une rythmique syncopée… Nous sommes dans le studio de Mathieu Boogaerts, maître des lieux qui, sur son ordinateur, bidouille une chanson.
C’est dans ce petit repère, rouge tamisé, antre d’une batterie éparse et d’un mini-piano pour fillettes de bonne famille, qu’a vu le jour son dernier album. En partie ici, en partie aussi chez ses voisins… Au niveau du trottoir, à quelques mètres, une enseigne rouge accroche l’œil : c’est La Java. Dans ce club-salle de concert, lieu branché de la musique à Paris, Mathieu Boogaerts a en effet rôdé son répertoire pendant plus de 60 dates, devant 15000 personnes.
"Après la tournée I Love You, il y a quatre ans, 70 concerts très contraignants artistiquement, où je chantais en patins à roulettes, sans fil, avec une batterie mobile, des titres joués aux quatre coins cardinaux de la scène, un spectacle "libre" (tu parles !), dont j’étais à la fois chanteur, musicien, clown et acrobate, le propriétaire de La Java m’a proposé de faire un concert, raconte-t-il. J’y suis allé les mains dans les poches avec ma guitare et mon bassiste Zaf Zapha. Sans lumière, sans artifice, avec des chaussures normales. J’ai adoré. J’ai retrouvé un côté plus musical, sensuel et instinctif. Du coup, je lui ai proposé 40 dates, une par semaine". C’était en 2009-2010.
Photo sans trucage
Puis Mathieu s’enferme dans son studio, concocte des titres, qu’il soumet à nouveau pour 35 dates, chaque mercredi, au public de la Java, à guichet fermé (2011-2012). La confrontation est sans appel. Le plus souvent en guitare-voix, parfois en trio, il propose des chansons efficaces, qui "tiennent" debout, seules, sans ficelles ni surcharge. Des morceaux tout neufs qui appellent conseils et avis du public.
Après ces tests, ces épreuves du feu, direction l’enregistrement ! Trois-quatre prises par titres suffisent à Mathieu, Zaf Zapha (basse) et Fabrice Moreau (batterie) : quasi dans les conditions du live, l’album est dans la boîte.
Si, pour le précédent opus, Boogaerts partait de la batterie, ici, tout naît d’une poignée d’accords, de quelques mots précieux, et d’une revendication sans phare de la "chanson". "Je ne me suis jamais autant senti auteur-interprète…, dit-il. Les cuivres, les ajouts de son, la batterie paraissent secondaires autour de ce noyau dur : des chansons simples, limpides, claires… La voix se positionne au premier plan d’un album de facture modeste, ni spectaculaire, ni tape à l’œil".
Comme dans le clip de son premier titre, Avant que je m’ennuie, où l’artiste arpente les forêts dans son plus simple appareil, le piano comme unique cache-sexe, Boogaerts revendique donc sa "nudité" pour cet album éponyme : "Sur mes disques précédents, je rajoutais du bleu, du vert, du jaune... Je me cachais! Celui-ci serait une photo sans maquillage, un film caméra à l’épaule."
Objectif Drucker
En résulte alors un opus de bon goût, un collier de chansons impressionnistes aux mots magiques, qui file tout doux sur les sentiments humains (les ruptures, les incompréhensions, les utopies, les petits et grands soucis…).
Depuis ses débuts, il y a seize ans, Mathieu Boogaerts poursuit cette veine et sa voie, qui bénéficient d’une estime certaine du public et des médias : "J’ai ce luxe d’avoir toujours très correctement vécu de la musique, confirme-t-il. Celle que je veux, quand je veux, comme je veux, avec qui je veux… Je suis entouré d’une équipe fidèle et bienveillante, et mes seules questions, de 24 à 41 ans, ont été de choisir les bonnes notes, les bons mots, les bons accords… Voici pour le verre à moitié plein."
Car il y a un bémol. La moitié vide : "En même temps, tout est relatif : si je dîne demain avec Souchon ou Daho qui vendent chacun quelques centaines de milliers de disques, je passerai pour le loser du coin. Ça fait seize ans que je reste cantonné dans une frange confidentielle de la chanson, et pourtant, je fais du politiquement correct ! Ca m’attriste et ça me révolte de ne pas être plus populaire. J’ai beau chercher, je n’en vois pas les raisons."
Alors, pour enfin "percer", Mathieu ne ménage pas ses efforts, comme des appels téléphoniques personnalisés à des personnalités influentes du monde médiatique… "Parce que, conclut-il, si j’assume de créer un disque avec passion, de faire des concerts avec autant d’énergie, si je sors de ma chambre de bonne, c’est pour que le monde entier m’écoute : partant de ce postulat, si Drucker me propose une émission sur moi pendant douze heures, j’y vais en courant !" Petit message à l’intéressé ? Chanteur à la voix douce cherche haut-parleur…
Mathieu Boogaerts Mathieu Boogaerts (Tôt ou tard) 2012
A écouter sur RFI : Mathieu Boogaerts en live dans l'émission Musique du monde (29/09/2012)