La virée nocturne et sensuelle de Raphael

La virée nocturne et sensuelle de Raphael

Raphael explore de nouvelles pistes stylistiques dans un disque de rock poids mouches où l’amour occupe toute la place. Dans un décor de nuit parisienne embrumée, le musicien Benjamin Lebeau sert de sparring-partner au boxeur amateur. Super-Welter est un hommage à une ville explosive où les mystères et les tourments des rapports amoureux s’entrechoquent sur fond d’électro-pop légère et de rock imagé.

Avec la moitié du groupe rémois The Shoes, Raphaël revient affûté. Il a sorti tous les instruments rock (sauf la batterie) et l’ordinateur pour enterrer définitivement les ballades folk. L’homme de Sur la route et de Caravane a, en six albums, changé d’attitude face au récit de ses états d’âme. Les vocalises plaintives ont été mises KO debout.

Raphael a trouvé un ton, un son, une signature et des mots qui frappent en plein plexus. Il alterne entre des ambiances sombres et dénudées (Asphalt et Collision) comme au bon vieux temps de la no wave où le décor urbain apportait son lot d’angoisses et de magie à force de musique répétitive, froide et parfois stridente. Raphael et Benjamin Lebeau sont des enfants du punk électronique (Suicide, David Bowie ou Joy Division…) et c’est réjouissant de les retrouver sur le même ring.

Les spasmes de riffs électriques du titre Déjà vu prenant la suite d’arpèges sécurisants en sont une preuve. La voix de l’ex-éphèbe est noyée dans une chambre d’écho où les souvenirs enfouis émergent. Elle s’en trouve revigorée. Le roulement de beats produit électroniquement, cassant et énergisant, donne à Raphael une envie d’en découdre avec des images du passé.

Le chanteur prend du corps, le tour de magie de la production donne du grain, du gras à ce feu filet doucereux qui le poursuivait jusqu’à Pacific 231, l’album qui incarne une rupture dans un parcours sans faute mais parfois trop lisse. "Est-ce que je n’ai pas rêvé tout ça, est-ce que tu as vu le même film que moi ?" chante l’artiste dans un récit digne d’un film de François Truffaut. Super-Welter raconte ces soirées arrosées qui se muent en petits matins de gueule de bois. Les dix titres s’enchaînent dans une ambiance orageuse de fin d’été, de hangars infectés et de parkings souterrains de Paris où une musique dissonante semble sortir tout droit des conduits d’aération.

Un chanteur sous perfusion rock

Cette pop acide est portée par un Raphael sous perfusion rock. Le chanteur n’hésite pas à emprunter aux cadors du genre tels que Bashung sur le single Manager ou Christophe sur Peut-être racontant une balade nocturne, sous forme de chasse dans les couloirs du métro parisien. La virée solitaire et crépusculaire d’un homme en mal d’amour s’éclaircit au rythme du piano.

Voyageur immobile évoque le Chamfort des très bonnes années et plonge dans un univers mélodique plus délicat avec cette intro synthétique évoquant l’Asie. Dans Quand j’aimais vraiment, les ambiances de rêve avec ces chœurs planants éthérés sont mises de côté pour laisser place à un enchaînement de morceaux intéressants. Dans Mariachi Blues, on pense aux rescapés du rock tels que Daniel Darc avec ce refrain sur les héros disparus du rock.

On pense aussi à l’ex-Taxi Girl pour cette diction plus franche, plus directe, plus noire entendue dans Collision. Ces sorties dans un Paris si peu glamour et si peu aseptisé, ouvertes aux débats et ébats amoureux vite faits, mal faits entre chien et loup prouvent que Raphael ne boxe plus du tout dans la même catégorie.

Raphael Super-Welter (EMI) 2012