Élodie Frégé, comme une bossa Rive gauche
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Pour son quatrième album intitulé Amuse bouches, l’ancienne gagnante de la Star Ac’ Elodie Frégé développe un univers élégant, discipliné, surprenant et stimulant. Érotisme light et reprises malignes…
Parfois, l’inconscient s’exprime, et s’exprime avec une franchise brûlante. La pochette (fort élégante, au demeurant) du nouvel album d’Élodie Frégé la montre avec un bandeau sur les yeux. Ce n’est certainement pas le bandeau de la soumission d’Histoire d’Ô, mais au moins un accessoire de Cinquante nuances de Grey. Quand on retourne l’album, la photo du verso laisse voir les yeux magnifiques de la jeune femme, mais la présente avec le bandeau sur les lèvres. Singulier portrait d’une chanteuse…
Il est vrai que la carrière d’Élodie Frégé illustre bien le désarroi d’une génération d’artistes – la dernière génération à avoir éclos au temps de la prospérité du CD. Du premier album, sorti en 2004 dans l’élan d’une victoire à la troisième saison de l’émission Star Academy, jusqu’au troisième, La Fille de l’après-midi, en 2010, elle avait perdu plus des trois quarts de ses acheteurs. Et, comme d’autres, elle se pose forcément des questions quant à son avenir de chanteuse, et il pèse sans doute sur Amuse Bouches une nuance d’angoisse existentielle – le bandeau…
Mais il faut bien admettre qu’elle se sort avec grâce de l’exercice de la réinvention-réassurance. Elle se montre mi-insolente, mi-abandonnée, quelque part où elle peut ne craindre ni l’accusation de froideur, ni le scandale. On pourra peut-être trouver un peu tiède ses atours de libertine en service minimal, mais il y a quelque chose d’assez bossa-nova dans cet album. Non qu’il sonne brésilien, mais parce qu’elle joue la retenue, l’élégance, le quant-à-soi, une manière assez "jobimesque" de s’abandonner à la passion. Certains titres, comme Mes bas, peuvent apparaitre comme des manifestes d’une chanson de salon civilisant avec gourmandise, une passion tentée par l’extrême.
Même le choix des reprises est d’une précision et d’une pertinence incontestables : La Fille qui fait tchic ti tchic, rareté ultime de Serge Gainsbourg, et Tu veux ou tu veux pas, qui fut le plus énorme succès de la carrière de Marcel Zanini. Mieux que deux nostalgies, il s’agit de deux reconstructions lettrées de nos années 60-70.
La réalisation de Marc Collin ne manque pas, non plus, d’une certaine virtuosité dans la capitalisation d’héritages jadis disjoints : la pop et le cabaret, la gourmandise devant les mots et un sfumato d’émotions fortes… Certes, on touche parfois quelque chose de très lisse là où elle est certaine d’avoir semé de petites pointes d’érotisme, mais cet album se révèle être d’une classe étonnante. On n’imaginait pas que, d’où elle était partie, Élodie Frégé parviendrait à cette radieuse caresse des sens.
Élodie Frégé Amuse Bouches (Mercury/Universal) 2013
Site officiel d'Elodie Frégé
Page Facebook d'Elodie Frégé
Par : Bertrand Dicale
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