Clarika, une femme d'aujourd'hui
Cette année, Clarika fête deux événements : ses 20 ans discographiques et la sortie de son sixième album. La tournure des choses est un joli tableau à la fois drôle et nostalgique, tendre et cruel, dans lequel se mélangent les couleurs de l'ordinaire, du quotidien, du rêve et des vies simples. Les chroniques d'une femme d'aujourd'hui qui a gardé son éternel sourire lumineux, son naturel et sa beauté presque juvénile.
RFI Musique : Quelles sont les questions que l'on se pose en faisant un nouvel album après 20 ans de parcours ? L'envie est toujours intacte ?
Clarika : L'envie est toujours là mais d'album en album, on a de plus en plus peur. Les premiers sont faits dans un genre d'inconscience. Ce n'était pour moi pas très pensé et réfléchi. Et à partir du troisième, c'est plus lourd, en tous les cas dans l'écriture. On a peur de se répéter, de ne pas surprendre, de ne pas se surprendre soi-même, de ne plus avoir d'idées. Parce qu'à la fin de chaque album, je n'ai plus de batteries, je n'ai pas de fonds de tiroir pour le suivant, toute la matière est utilisée. Donc, c'est une page blanche à reprendre. C'est toujours un peu vertigineux au départ. Et à chaque fois, il y a un genre de petit miracle. L'inspiration revient.
C'est vrai que j'espère avoir mûri un peu pendant toutes ces années même si je ne me sens pas radicalement différente. Cela dit, je n'ai pas l'impression d'être tout le temps une femme qui écrit. Mais évidemment, j'en suis une et j'en ai la sensibilité. Je n'ai pas une culture féministe particulière même si je le suis forcément un peu. En revanche, le côté totalement ordinaire est primordial parce que même si je fais un métier peu banal, cela m'est important d'avoir une vie normale. C'est d'ailleurs un élément essentiel pour alimenter mon écriture. Et puis c'est là où je me sens le mieux, j'ai très peu d'amis dans le show-biz. Mes potes sont là, pour la plupart, depuis bien avant mes débuts de chanteuse et ils ne sont pas dans la musique. J'ai évidemment fait des belles rencontres amicales dans mon parcours mais j'ai besoin d'un quotidien ordinaire.
Même dans la chanson Robbie qui est un message croquignolesque que vous adressez à Robbie Williams, vous promettez de lui apprendre le quotidien d'une vie banale…
C'est une manière de se décrire soi-même et ça m'amusait de songer à l'éducation d'une icône du show-biz avec ce qu'il y a de pire et de meilleur. Parce qu'il y a le côté paillettes et l'autre côté, un peu pathétique. Mais avec un regard bienveillant puisque je lui propose de lui apprendre des choses très concrètes comme dormir sur un canapé-lit ou prendre le R.E.R.
La demi-teinte est très présente dans votre écriture. Rien n'est jamais tout à fait positif et le négatif a toujours une pointe d'humour ou de grâce.
Rien n'est vraiment tranché réellement. On oscille tous entre des choses belles et moches à la fois. Ce n'est pas ne pas prendre parti que de le dire. C'est juste prendre en compte la nature complexe de l'humain.
En parlant de contraste, il y a cette chanson Sumangali, sur le travail d'une femme indienne, un sujet plutôt grave sur une musique qui semble pourtant gaie...
C'était vraiment l'envie. Je ne voulais pas souligner le texte par quelque chose de nostalgique, ce qui pourtant semblait logique à la lecture. C'est Florent Marchet qui a composé le morceau et je lui ai spécifiquement demandé quelque chose d'enjoué. J'avais en tête une chanson des Rita Mitsouko, Le petit train, qui parle des trains de la mort sur un thème musical super ludique et gai. Je trouve que le message est d'autant plus glaçant quand on comprend.
Vous venez de citer Florent Marchet, mais comme toujours il y a d'autres collaborations pour vos musiques, comme Jean-Jacques Nyssen votre complice depuis le début, ou Ben Ricour. Le fait de ne pas composer vous-même, est un luxe reposant ou un choix handicapant ?
Un luxe reposant ! Dans ma tête, je ne suis pas musicienne. Alors évidemment, j'ai une formation musicale, j'en ai fait, mais je ne me sens pas mélodiste. Et je suis tellement attachée aux mélodies que je ne m'en sens pas capable réellement. C'est peut-être un blocage mais je ne sens pas d'intérêt à me placer sur ce terrain-là. Alors c'est vrai, parfois j'aimerais bien pouvoir gérer certains titres, mais ça ne me manque pas assez pour me lancer.