Une pochette d’album comme le négatif estampé d’une toile du Douanier Rousseau, des touches de noir et de blanc comme celles de son piano, un son raffiné mais riche, bienvenue au cœur de Tropiques, le premier disque de Maissiat.
Elle est brune à la silhouette gracile, porte les cheveux courts et semble ne jamais se séparer du chapeau d’homme qui lui tient lieu de couvre-chef. Amandine Maissiat, la trentaine, est originaire de Lyon, vit à Paris depuis quelques années et, pour ceux qui ne la connaissent pas, n’en est pas vraiment à ses débuts. Elle a en effet été la voix – et la guitare – du groupe de rock féminin Subway le temps d’un disque (L’Intranquille, en 2007) et d’une tournée, avant de se lancer en solo avec ce premier album sorti sous son nom. "J’ai quitté le groupe pour me sentir bien dans mes baskets. J’en garde de très bons souvenirs, mais musicalement on ne pouvait pas aller plus loin que ce qu’on faisait déjà. J’avais des chansons à la première écoute desquelles les musiciennes étaient parfois rétives, que je tenais à jouer un jour pour moi. Puis j’avais envie d’ouvrir les horizons des arrangements notamment, de mettre des claviers, des machines. Quand je m’en suis aperçue, je suis partie."
C’est au piano qu’on la retrouve en dix escales qui, mises bout à bout forment ces Tropiques originelles comme un nouvel élan. Des chansons qu’elle a pour la plupart elle-même écrites et composées, réalisées par Katel, qui racontent nos vies fragiles dans des textes aboutis. Une sorte de voyage allégorique au plus près de l’amour et de ses tourments, qui interroge nos limites, en matière de sentiment comme au sein de la société (Trésor, La Fabrique des fauves). Maissiat chante le manque, la dualité ou la quête d’absolu, avec une douceur infinie.
Des paysages intérieurs
D’une station de métro comme décor (
Havre-Caumartin) aux heures d’ivresse quelles qu’en soit la nature (
Soûle,
Les fins de nuit), la fluidité du piano, la délicatesse de ses mots et de sa voix nous enrobe. En matière d’écriture ou de musicalité, on pensera ici à
Alain Bashung, là à
Etienne Daho (
Havre-Caumartin,
Havana), mais aussi, à l’écoute des arrangements, à la musique classique. "
Ça fait partie des choses dont je me suis nourrie aussi. Peut-être qu’en étant à la recherche d’un écrin, je pense à Chopin notamment que j’aime énormément, avec ces petites notes qui tombent un peu partout, on a l’impression d’être dans une bulle de coton..."
Une bulle capable de tournoyer, de griser ou d’amortir les chutes vertigineuses d’amours "impossibles à désunir, même dans la mort" (Le départ), comme celles de la séparation (Trésor), des regrets (Jour de chance) ou de l’attente.
"Ces Tropiques sont un ailleurs qui peut être très intérieur ou très lointain. Je compare souvent ce disque aux malles qu’on ramène de longs voyages. Je suis souvent en mouvement, mais j’ai vécu des histoires qui m’ont aussi fait bouger, des trucs qui remuent. C’est des voyages au pluriel on va dire…"
De son odyssée immobile, on gardera précieusement une poésie magnétique qui tient en éveil autant qu’elle alanguit et fascine, et à laquelle on laisse bien volontiers dériver le nord de notre boussole entre le yin et le yang.
Maissiat Tropiques (3ème Bureau/Wagram) 2013
En concert au Café de la Danse à Paris le 4 avril 2013
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