Daniel Darc, se souvenir des belles choses

Daniel Darc, se souvenir des belles choses
Daniel Darc © J. Lachaussée

Il y a tout juste six mois, Daniel Darc disparaissait, laissant la chanson française orpheline, avec une émotion aussi palpable dans le milieu professionnel qu’auprès du public. Cette semaine a été révélé Chapelle Sixtine, un double album dans lequel on découvre d’une part, les titres achevés qu’il s’apprêtait alors à sortir, d'autre part les titres qu’il avait décidé de mettre de côté, sans pour autant les abandonner.

Spontanément, l’annonce de la sortie d’un disque posthume est souvent accueillie avec la retenue et le scepticisme qu’on éprouve dans ces cas-là, donnant à juste titre lieu à controverse. Alors, quand on a appris celle, imminente, d’un "nouveau" Daniel Darc, l’embarras fut immédiat. La taille de mon âme, le dernier album sorti de son vivant, faisait déjà étrangement figure de disque testamentaire, en plus d’être magnifique - il n’y a pas d’autre terme. A priori, on en serait donc volontiers, resté là.

Mais comme le chanteur avait presque terminé ce dernier opus, écrit à quatre mains avec son complice Laurent Marimbert, on s’est radouci. D’autant qu’il avait fait promettre à celui-ci de poursuivre le travail accompli s’il lui arrivait quelque chose. C’est bien à celui-ci qu’on doit la touche finale de Chapelle Sixtine.

C’est donc apaisé que l’on découvre les titres qui forment l’album. Passé Les trois singes, qui auraient pu encore nous faire hésiter, avec leurs arrangements de cordes plus "cathédrale" que "chapelle" nous remuant d’entrée dans ces retrouvailles inattendues avec Darc l’écorché, le nerf rock d’Une place au paradis rassure. On devine qu’il n’y aura aucune place laissée au pathos.

On retrouve le Darc que l’on aime, celui qu’on a rencontré, celui qu’on nous a raconté aussi (Interview d'Axel Bauer 14/03/2013). Capable de dire son humanité, son cœur et ses failles, ses bonheurs comme ses regrets, comme rarement un chanteur a su le faire, tant dans l’énergie frontale que dans la douceur, avec le plus souvent autant d’élégance que de délicatesse dans les mots. Car oui bien sûr, l’homme, comme sa voix, était abîmé, torturé et tortueux. Mais quand on l’écoute, on n’entend plus que sa poésie, dans cette Chapelle de cœur ardent où résonnent comme un écho les jolis chapitres de La taille de mon âme jusque dans les Variations numérotées qui lui font suite.

Une fois n’est pas coutume, on ne choisira pas dans l’ensemble des 29 titres des deux disques. On gardera tout, le musical, le cinématographique, l’intime, le bruit des vagues, tout ce qu’on saura y saisir pour qu’il nous manque moins. L’album s’appelle Chapelle Sixtine, mais l’éclat y perce comme à travers l’oculus du Panthéon romain. Ce puits de lumière qui bouleverse et demeure, comme par miracle.

Daniel Darc Chapelle Sixtine (Sony) 2013
Site officiel de Daniel Darc