Féloche, enfant migrateur

 Féloche, enfant migrateur
Féloche © Thomas Letellier

Féloche signe son retour avec Silbo, second album en forme d’escapade dans les souvenirs et les obsessions d’enfance du chanteur. Trois ans après La Vie Cajun et son bayou fantasmé, place à un mystérieux langage sifflé des îles Canaries, et à des collaborations épiques avec Rona Hartner ou avec la rappeuse culte Roxanne Shanté. Portrait d’un artiste en quête de ravissement perpétuel.

Sourire vissé aux lèvres, et éclats de rires au bout de chaque phrase. À 40 ans, Féloche est à l’image de son nom d’emprunt, un optimiste né, pas encore tout à fait sorti de l’enfance. D’enfance, il est d’ailleurs largement question dans la chanson titre de ce nouveau disque, "Silbo", une langue sifflée unique que le jeune Félix a découverte au cours d’un voyage dans les îles Canaries. "Cette chanson, je l’ai composée il y a trois ans, comme un flash back, explique-t-il. J’avais 11 ans. L’amoureux de ma mère, Bonifacio, était canarien, et il nous a emmenés là-bas, au milieu de ses racines. J’ai fini par apprendre et pratiquer ce langage que les locaux utilisent pour se parler d’une colline à l’autre, comme les oiseaux." Des paroles sifflées que le chanteur a réintégrées dans le disque, comme un clin d’œil. "Mais il y a beaucoup de yaourt, plaisante-t-il. Le seul mot qui me restait, c’était le prénom de ma mère, Caterina."

L’homme insiste, il n’est ni "musicologue" ni "auteur", et se définit plutôt comme un "metteur en son" naïf, spontané et rétif à toute forme d’académisme. "J’ai commencé en étudiant la trompette au Conservatoire, explique-t-il. Mais je n’ai jamais terminé le cursus, je n’étais pas en phase avec cet esprit." C’est presque en réaction qu’il adopte ce qui deviendra son instrument fétiche : la mandoline. "J’ai pris la mandoline comme un fusil, raconte-t-il, à la manière des Pogues, des groupes punk. Comme je suis un autodidacte de cet instrument, c’est devenu un énorme terrain de jeu. Je me suis mis à composer la plupart de mes chansons là-dessus."

Folie lunaire

Avant de devenir chanteur, Féloche passe par la case tournées et vie de bohème aux quatre coins de l’Europe avec le groupe punk ukrainien VV, inconnu en France, mais célèbre en Ukraine. "J’étais payé 50$ en jouant dans le stade de Kiev, plein à craquer ! se souvient-il. C’était aux alentours de 1994-95. Je suis resté trois ans avec eux."

Puis, il se réfugie dans ses propres compositions et commence à publier ses premières démos sur MySpace. C’est alors qu’il entre en contact avec Philippe Cohen-Solal, moitié de Gotan Project et fondateur du label Ya Basta ! "Je lui avais envoyé un email, en anglais. Je ne savais même pas qu’il était français ! explique-t-il. Il a aimé et m’a pris sous son aile, alors que je n’avais fait aucun concert."

Vient le temps pour Féloche des premières scènes et du succès en radio avec La Vie Cajun. Son arme : une folie lunaire, enfantine et joyeuse. "Ma chance, c’est de pouvoir faire exactement ce que je veux", affirme-t-il. Quitte à cultiver une certaine marginalité vis-à-vis de la chanson d’expression française, dont il se sent "assez éloigné", en dehors de ses modèles, Rita Mitsouko et Dick Annegarn.

"Aller chercher son rêve"

Depuis La Vie Cajun en 2010 et son duo avec le légendaire Dr John, Féloche a l’habitude de convier à sa table certaines de ses idoles. Des rencontres fascinantes et improbables dont il nourrit ses disques. Sur Silbo, on trouve la cultissime Roxanne Shanté, l’une des premières rappeuses américaines de l’histoire, il y a 30 ans. "Je lui avais donné rendez-vous à New York, dans un studio que j’avais réservé, sans être sûr jusqu’à la dernière minute qu’elle vienne. Elle est finalement arrivée, après quelques heures de retard, s’est mise à écouter le beat et à griffonner sur un coin de table quelques minutes. En deux prises, c’était fait, se souvient-il. Une spontanéité incroyable."

Sur le très tzigane Mythologies, c’est Rona Hartner qui vient prêter sa voix. "Une idole de mon adolescence en face de moi ! J’étais amoureux d’elle dans Gadjo Dilo (ndlr : film de Tony Gatlif sorti en 1997). Notre premier rendez-vous était surréaliste. J’étais en retard, elle s’est énervée, je me suis retrouvé avec elle dans un mariage roumain où j’ai pu enfin lui faire écouter ma démo. Elle a aimé et l’on s’est retrouvé à rentrer à Paris, sous la pluie, comme deux ados." Silbo est un condensé de ces tranches de vies au-delà de l’ordinaire et de la grisaille, de ces rencontres fantasmées et pourtant bien réelles. Une philosophie que Féloche résume de lui-même : "Il faut aller chercher son rêve."

 

Féloche Silbo (Ya Basta/Parlophone) 2013

Site officiel de Féloche
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