La Rue Kétanou, toujours en piste
Ils sont à la chanson française ce que la musique de la rue est à la liberté, ce quelque chose de familier et de personnel qui fait sourire dès les premières notes. Depuis plus de dix ans, Florent Vintrignier, Olivier Leite et Mourad Musset - alias La Rue Kétanou - ont toujours eu la bougeotte, et ne sont visiblement pas près de s’arrêter. RFI Musique a rencontré Florent à l’occasion de la sortie de leur sixième album, Allons voir.
RFI Musique : L’album porte le titre de la chanson Allons voir, un autre s’appelle Un tour, et vous avez beaucoup tourné avant d’enregistrer… La Rue Kétanou a toujours autant la bougeotte ?
Florent Vintrignier : On a toujours eu la bougeotte. On continue d’aller rencontrer les gens, ou d’aller faire un tour pour se retrouver soi-même. On va voir des gens ou des paysages, ça dépend. Le studio, ce n'est pas spécialement notre truc. On fait surtout de la scène. A l’époque du premier album, on jouait dans la rue, dans les bars. Les chansons ont trouvé leur âme entre nous trois, mais surtout avec le public. Quand une chanson a été écrite et jouée dans son coin, il lui manque souvent quelque chose, qu’elle trouve son rythme, son souffle et aussi son âme. On s’est rendu compte que le public pouvait changer notre vision d’une chanson.
Vous avez un mode de création très libre, vous écrivez ou composez seuls, ensemble, à tour de rôle selon les titres…
On chante, on écrit et on compose sans avoir de rôle défini. On n’a jamais fait de choses conceptuelles. On peut écrire quelque chose sans même savoir au départ de quoi ça va parler et se laisser surprendre au fur et à mesure. Une chanson peut partir d’un thème, et s’orienter ailleurs assez naturellement. Pour Le chien, Mourad jouait une mélodie. J’ai commencé à écrire : "Je n’ai pas bien compris le sens de ta lettre/Veux-tu que je quitte ta vie ou veux-tu que je reste", en me disant qu’on avait fait un peu trop de chansons d’amour qui finissaient mal ! Puis lorsque la suite m’est venue, cette chanson qui au départ, était une chanson de rupture amoureuse est devenue l’histoire d’un chien qui a été abandonné et qui parle. Je me marrais en l’écrivant. Au final, elle est à la fois triste au premier degré, drôle parce qu’elle a un ton léger, et en même temps, elle se termine par une chute qui parle du racisme, ce qui n’était pas prévu non plus. Cette chanson qui était au départ une chanson de rupture amoureuse devient une chanson qui parle d’un chien qui a été abandonné et finit en disant que le racisme, ça ne sert à rien !
Dans Allons voir, vous chantez "On incarne le mal ou le remède, ça dépend". De quoi ?
Chacun y voit ce qu’il veut y voir. C’est une chanson que j’avais écrite pour le Théâtre du Fil. On travaillait sur L’Homme qui rit de Victor Hugo, la metteuse en scène m’avait demandé d’écrire une chanson sur les bateleurs. Ils étaient obligés de cacher un peu leurs opinions, de rester dans les clous, et pouvaient en même temps, faire des spectacles sur la place publique. Il y avait quelque chose de rebelle chez eux, et il leur fallait jongler avec ce qui était autorisé ou interdit. On incarne le mal pour l’autorité, ou le remède pour le peuple… Au départ, le "nous" était les bateleurs d’Angleterre. On ne l’a pas finalement pas gardée dans le spectacle, mais avec La Rue Kétanou.
Six albums ensemble, toujours le même trio fondateur, c’est rare. Quel est le secret de votre entente ?
C’est parce qu’on n’est pas nombreux ! Je pense que si tu en retires un, c’est fini. On est trois avec toute une équipe qui est là depuis longtemps. Le secret déjà, c’est qu’on vient de la même école. On vient du Théâtre du Fil, qui nous a appris beaucoup de choses. C’est un théâtre particulier, qui emmène le théâtre là où il ne va pas habituellement, avec cette volonté d’aller vers les autres. Avec eux, nous sommes allés travailler dans les cités, les prisons, les centres de soins avec des personnes en dépression nerveuse : le Théâtre y monte à chaque fois, un spectacle avec les gens. On a tout ce vécu ensemble. Il fallait parfois se serrer les coudes aussi pour que ça fonctionne. Le Théâtre nous a donné une philosophie de vie qui fait qu’on se comprend sur plein de choses, et ensuite, je crois qu’on a essayé de ne se poser que les bonnes questions. On essaie d’aller à l’essentiel, et aussi de faire d’autres choses ; on ne fait pas que La Rue Kétanou. Chacun a ses projets, Olivier a monté le groupe Batignolles, Mourad travaille avec Mon Côté Punk. Il fait aussi du théâtre en ce moment. Quant à moi, j’ai également retravaillé avec le Théâtre du Fil il n’y a pas longtemps, j’ai fait mon tour de chant, j’écris pour quelqu’un d’autre. Il n’y a pas que La Rue Kétanou pour s’exprimer, pour chacun d’entre nous. Ce que chacun a en soi et ne peut pas mettre dans La Rue Kétanou parce que c’est un groupe, on va aller l’exprimer ailleurs. Donc il n’y a pas de frustration, donc ça tient !
La Rue Kétanou Allons voir (LRK Productions/L’Autre Distribution) 2014
En concert au Trianon à Paris les 27 et 28 mars 2014
Site officiel de La Rue Kétanou
Page Facebook de La Rue Kétanou