La résurrection Dominique Dalcan

La résurrection Dominique Dalcan
Dominique Dalcan © F. Courtès

De battre son cœur s'était presque arrêté. Après neuf ans de silence discographique, voilà Dominique Dalcan qui revient de contrées infernales et signe un retour presque inespéré. Et comme son album Hirundo, lumineux et apaisé, est un enchantement, on ne peut que s'en réjouir.

RFI Musique : L'album s'ouvre sur cette phrase : "Je suis là, tu le crois ?". On imagine que ce n'est pas innocent...
Dominique Dalcan : Il y a un chemin accompli entre le moment où je me disais que je n'allais plus forcément chanter et cette collection de chansons. C'est un processus qui n'est pas forcément de l'ordre de l'incroyable, mais qui est étonnant pour moi quand même.

Vous considérez-vous comme un survivant ?
Non, même si certains médecins l'ont envisagé de la sorte. Je dirais plutôt un rescapé. Nous sommes tous confrontés à des épreuves dans la vie. Après, il faut y faire face. C'est ça les vrais challenges et c'est comme cela qu'on avance. Mon cas était d'ordre cardiaque. Ce qui est compliqué, c'est quand il y a un engagement vital en jeu.

Au-delà de vos soucis de santé, peut-on dire que vous êtes néanmoins un adepte des éclipses et des retours ?
C'est certain qu'il n'y a pas une volonté très carriériste dans mon parcours. Je vais là où l'envie me mène et là où les projets me semblent intéressants. A un moment donné de mon existence de chanteur, j'ai développé un projet parallèle électronique qui s'appelait Snooze. Cela m'a permis de découvrir d'autres territoires, d'autres scènes qu'avec la chanson française. C'était motivé par une curiosité évidente et un appétit musical pas forcément comblé à 100% dans le cadre de la chanson. Je n'ai pourtant pas arrêté d'être dans le mouvement.

Avez-vous hésité entre le projet Snooze et la chanson pour ce retour ?

Sur ce disque-là, cela ne pouvait qu'être fondamentalement un gars qui raconte ses histoires et qui essaie de le faire le plus simplement et avec le moins d'effets possible.

Vous étiez revenu en 2011 avec le single Paratonnerre, chanson qui figure également sur ce disque. Pourquoi ne l'avez-vous pas sorti dans la foulée ?
Parce que j'ai eu à nouveau des galères. C'est là où c'est même devenu vraiment dangereux. Je voulais bien sûr sortir le disque juste après Paratonnerre, mais il y a eu un autre dessein. Cela a changé la donne et le choix des certains morceaux. J'en ai écrit d'autres, comme Sometimes.

Cet album, c'est un voyage intérieur ?
Ce sont des chansons autobiographiques avec des strates qui permettent des degrés d'interprétation divers. On part souvent de quelque chose d'individuel pour espérer avoir une aura davantage plurielle.

Dans Transhumance, vous dites : "Mes trophées m'ont coûté cher/Des plumes et du goudron". Que doit-en entendre par là ?
Ce sont des résidus de phases dépressionnaires. C'est assez dur comme phrase, je le reconnais, mais les couplets sont beaucoup plus lumineux. On ne peut pas mettre son mouchoir sur tout. Je n'oublie pas que j'ai quand même été au fond du trou.

La chanson Un signe d'ouverture n'est-elle pas celle qui tend davantage vers une forme de sérénité ?
Cette chanson est la plus augurale. Elle synthétise beaucoup de choses dans mon travail passé, dans ma manière de faire, dans l'expression libre. Après, d'autres chansons sont plus ouvertes avec des voix plus hautes. On en revient à une sorte de clin d’œil au titre de l'album, quelque chose de plus solaire et de chantant. Je trouve ce disque moins maniéré.

Qu'est-ce qui a changé dans votre état d'esprit ?
Le sens des priorités. Après, on retombe toujours dans les mêmes défauts. On ne change pas fondamentalement, c'est illusoire. Et c'est ce qui rend l'être humain si proche de l'animal. C'est ce dont je parle dans Des hommes et des lions. Cette société est très brutale en ce moment, d'une incroyable férocité.

N'avez-vous pas éprouvé l'envie d'écrire des chansons engagées ?
Mon rôle n'est pas d'être un porteur d'étendard. Moi, je fais de la chansonnette. Si on veut en tout cas y prêter oreille et attention, on voit bien que ce disque est une sorte de bestiaire. Je me questionne beaucoup sur ce monde qui retourne vers l'animalité de l'homme. C'est une question centrale dans mon travail depuis le début.

Dans Clope au bec, vous dites : "Les autres sont déjà sur les premières marches du podium/ Tu n'es encore qu'à t'échauffer". N'est-ce pas une chose assez significative de votre parcours ?
Là encore, c'est une chanson qui résume assez bien ma carrière musicale. Pour avoir des médailles, il faut se donner les moyens. Moi, je n'étais pas à fond. Je ne suis pas un compétiteur, je n'ai pas ça dans le sang. D'autres pensent autrement. Si j'avais voulu accéder à quelque chose d'autre, il aurait fallu que j'agisse d'une manière différente.

Vous avez assuré l'automne dernier les premières parties de Vanessa Paradis. Qui vous l'a proposé ?
C'est elle et Benjamin Biolay qui sont venus me chercher. Je n'allais pas leur dire qu'ils avaient tort dans le choix (rires). Pour moi, c'était un excellent "training", parfait pour me remettre dans le bain. Parfois on a joué devant 7000 personnes, ce qui ne m'est pas arrivé souvent. J'ai pu faire cela de manière assez détachée puisque j'étais dans une formule acoustique.

"Je suis à prendre ou à laisser" chantiez-vous en 1998 dans le morceau Ma peau est noire. Est-ce toujours d'actualité ?
Je ne crois pas. Il n'y a plus chez moi quelque chose d'aussi vindicatif. C'est un album qui racontait une fuite (Ostinato, ndlr). Je suis devenu moins catégorique que ça, même si j'ai toujours au fond de moi quelque chose d'assez extrême dans un sens ou dans un autre. J'essaie de tendre vers une unité, c'est-à-dire un rassemblement de ces deux extrêmes-là. On peut aussi le dire artistiquement, comme une réconciliation entre la musique électronique et la musique acoustique.

Dominique Dalcan Hirundo (Pias) 2014
Page Facebook de Dominique Dalcan

A écouter la session live dans la Bande Passante (24/01/2014)