Émilie Simon, divine exploratrice sonore

Émilie Simon, divine exploratrice sonore
Emilie Simon © Lisa Carletta

Elle n'en finit décidément pas d'être majestueusement créative, Émilie Simon. Les chansons presque toujours en mouvement de sa nouvelle livraison Mue nous aspirent et envoûtent avec une infinie justesse. Elles sortent du cœur d'une femme libre et délicieusement aventureuse. Rencontre avec RFI Musique.

RFI Musique : Vous nous aviez laissés avec Franky Knight, disque personnel sur la disparition de l'être aimé. Fallait-il passer par là pour pouvoir aborder sereinement cette nouvelle étape ?
Émilie Simon : C'est un album qui était à la fois particulier et très important pour moi. Pour des raisons qui m'étaient intimes, je me devais de le faire. Je n'ai fait qu'un seul concert à Pleyel (en avril en 2012, ndlr) et je suis passée au chapitre suivant.

L'album Mue n'est pas artistiquement un virage à 180 degrés. Pourquoi l'avez-vous appelé de la sorte ?
Ce n'est pas au niveau musical qu'il faut faire le rapprochement. Cet album s'appelle Mue parce qu'il évoque une histoire d'amour qui se passe dans un Paris sublimé du début du siècle dernier. Il est question des différents états émotionnels dans lesquels on peut passer dans une histoire d'amour. Cela va de la rencontre à la rupture sur un fond de Paris "romantisé", épique et poétique. L'idée de Mue, c'était lié justement au renouvellement de peau, au fait de retomber amoureux.

Qu'est-ce qui vous a inspiré ?
Il n'y a pas une chose en particulier, mais plein de petits éléments comme le fait d'écrire à Paris. Ce sont des textes très romantiques qui me sont tout de suite venus. C'est comme ça que je l'ai perçu et finalement, je n'ai eu qu'à tirer le fil. Tout a commencé à s'imbriquer à partir de cette thématique-là. Et j'ai eu des envies de cordes, que j'ai enregistrées à Londres.

Pour le côté romantique, on peut faire un rapprochement avec votre premier album éponyme...
C'est vrai qu'il y a quelque chose qui rappelle mes débuts. J'ai eu de nouveau le désir d'écrire sur la lune, le ciel et la nuit.

Peut-on dire que vous avez ici quelque peu délaissé les machines ?
Il y a encore des machines, mais l'élément électronique est utilisé de manière moins évidente et moins systématique. C'est même la première fois qu'il y a un piano-voix sur un de mes albums.

Vous avez notamment travaillé avec Tahiti Boy, Ian Caple (Bashung, Tricky, Tiersen) et David Kahne (Lana Del Rey, Strokes). Pourquoi ces multiples collaborations?
C'est souvent assez simple dans le sens où je chapeaute le projet. Je sais donc où je vais. Je m'entoure de gens qui ont une sensibilité différente de la mienne et en même temps qui s'avère complémentaire. Du coup, c'est assez fascinant parce que je n'ai pas eu un instant l'impression de dévier de ma route, tout en ayant le plaisir de partager d'autres points de vue. Tahiti Boy avait tendance à me pousser dans le côté production alors que Ian Caple et David Kahne allaient davantage vers l'essence des morceaux ou le choix des tonalités. J'ai pris à la fois la fraîcheur et l'expérience.

Est-ce les thèmes choisis qui définissent chez vous l'enveloppe musicale ?
C'est très ouvert. J'écris un peu à l'aveugle pendant plusieurs mois. Je suis ma sensibilité, je développe. Et il y a un moment où ça commence vraiment à prendre sens et où le cœur de l'album se dessine. C'est à partir de là qu'on peut passer à l'intellect. Le mental prend alors le dessus et rationalise les choses. Après, cela finit par être un savant mélange entre être au service de la musique tout en restant dans le concept, sans que celui-ci vienne freiner la créativité.

Êtes-vous toujours aussi exigeante et minutieuse en studio ?
Je me soigne (rires). Mais je m'entoure d'excellents musiciens à chaque fois, donc je n'ai rien à dire. Par contre, quand j'ai quelque chose de précis en tête, je vais toujours au bout de mon idée et on peut difficilement me faire changer d'avis.

Vous vous renouvelez sans cesse. Un besoin viscéral ?
Il y a chez moi une curiosité, une envie permanente de découverte. Je n'éprouve aucun intérêt à refaire les mêmes choses, car cela m'ennuierait. Certains maîtrisent leur art en restant dans la couleur et en la perfectionnant. Je ne suis pas dans cette démarche-là, mais dans une palette de couleurs très large et je choisis dans quel spectre je vais écrire le prochain album.

Le choix de l'anglais ou du français s'est-il posé pour Mue ?
Pas du tout. En fait, cela ne se pose jamais vraiment. Big Machine, je l'ai écrit en anglais parce que je vivais à ce moment-là aux États-Unis et que j'étais imprégné par l'énergie immédiate de New York. Ce sont des facettes que je développe en fonction de ma vie et du lieu dans lequel je suis.

De quelle manière l'environnement dans lequel vous êtes agit-il sur votre musique ?
Cela se différencie dans les teintes utilisées. Autant Big Machine était noir et blanc avec des jets de couleurs primaires, autant celui-ci est dans les teintes couleur chair, dans des camaïeux. Il est dans la délicatesse, orné et orchestral.

Vous avez réalisé le clip de votre chanson Menteur. Une nouvelle corde à votre arc ?
L'image et le cinéma m'ont toujours attirée. C'est une magnifique expérience. J'ai trouvé ça formidable de passer par tous les stades : l'écriture, le story-board, monter une équipe, chercher les décors, le casting et jouer dedans. C'est assez fou comme entreprise.

En bonus-track, vous reprenez Wicked Game de Chris Isaak. Est-ce pour le fun ?
J'ai chanté il y a deux ans avec lui dans l'émission Taratata. On ne savait pas si on allait interpréter Blue Hotel ou Wicked Game. Finalement, on a fait la première. Comme la rencontre avec Chris Isaak a été un merveilleux moment, j'ai eu envie de reprendre la seconde à ma façon et de la mettre sur le disque en forme de clin d’œil. L'exercice de la reprise est un jeu pour moi, quelque chose de très ludique.

Avez-vous déjà envisagé de composer pour un autre artiste ?
Pas spécialement. Comme ma musique est extrêmement personnelle, ce serait un peu comme partager un journal intime. Il faudrait qu'un morceau arrive et qu'il puisse porter la voix d'un autre chanteur. Alors dans ce cas, je l'offrirai à quelqu'un. Ce n'est pas pour moi un travail que d'écrire des morceaux. Je n'écris pas à la va-vite, ce n'est pas dans ma nature. Pour le cinéma, l'approche est différente parce qu'il y a un dialogue avec l'image.
Emilie Simon Mue (Barclay) 2014
Site officiel d'Émilie Simon
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