Rock en Seine 2014 : les outsiders francophones
On n’arrête plus la croissance du premier festival rock d’Île-de-France : pour cette 12e édition, du 22 au 24 août, les festivaliers étaient plus de 120.000 au parc de Saint-Cloud. Un beau record, pour une programmation exigeante faisant la part belle, côté francophone, à des artistes méconnus ou des projets hors-formats. Compte-rendu.
Comme chaque année, Rock en Seine aime regarder dans le rétroviseur, vers les années 90 plus précisément. Il y eut le rock industriel de Nine Inch Nails lors de l’édition précédente, Green Day ou Placebo en 2012. Cette année, deux têtes d’affiche majeures ravivaient le passé glorieux du big beat et du trip-hop, les furieux Prodigy et, surtout, Portishead, auteurs du concert le plus mémorable du week-end. Une explication, sans doute, à l’affluence en hausse de cette édition, qui comptait également les archi-attendus Arctic Monkeys et les indéboulonnables Queens of the Stone Age.
Émilie Simon, expérience orchestrale
Parmi les artistes français ou francophones, seule Selah Sue figurait cette année parmi les têtes d’affiche de la Grande Scène. La jeune Belge, à la voix soul surpuissante, détonnait un peu ce dimanche au milieu des "groupes à guitares", mais le pouvoir de séduction de ses titres, interprétés seule ou en groupe, reste intact.
Revival nineties oblige, les nostalgiques de la French Touch ont eu leur instant de grâce vendredi avec la présentation de Superdiscount 3 d’Étienne de Crécy, et son nouveau single Night (Cut the Crap). Le maître à danser parisien était entouré pour l’occasion d’une autre figure mythique de l’électro française, Alex Gopher, et de son comparse Julien Delfaud, pour un set dancefloor anachronique mais très efficace.
La veille, Émilie Simon dévoilait sa création unique pour Rock en Seine sur la Scène de la Cascade : un concert accompagné par l’Orchestre national d’Île-de-France. Jamais avare de nouvelles expériences scéniques, la chanteuse montpelliéraine, déjà passée par le parc de Saint-Cloud en 2007, voulait confronter son versant rock et électro à des arrangements orchestraux. On pouvait craindre la surenchère, le résultat sonore s’est avéré plutôt subtil, charmant, puissant parfois.
Très attendus, François and the Atlas Mountain ont confirmé leur statut d’incontournables de la scène pop française, depuis le succès de leur dernier album Piano Ombre. Maîtrise parfaite et sens de la scène du chanteur François, pouvoir d’envoûtement des rythmiques et des motifs mélodiques répétés à l’envi, tout y était, ou presque.
Pas encore révélé au grand public, le groupe frère Petit Fantôme faisait office de découverte sur la Scène de l’Industrie en milieu d’après-midi. Avec la présence d’une partie des Atlas Mountains, Petit Fantôme s’est affirmé comme un pendant tout à la fois plus rêveur et plus rock au groupe de Bordeaux, rappelant parfois Deerhunter ou Animal Collective, un cas rare dans la pop chantée en Français. Les premiers rangs, de 16 à 20 ans, ont apprécié, et repris parfois en chœur les bribes de paroles introspectives.
Alb, l’excellente surprise
Au rang des coups de cœur, deux artistes que tout sépare et rapproche à la fois. Alb, d’abord. Derrière ce pseudonyme se cache le Rémois Clément Daquin, multi-instrumentiste et compositeur maniaque de studio, et adepte de mélodies pop ouvertes et lumineuses (deux d’entre elles, dont le fameux Golden Chains, figurent sur des publicités bien connues). Qu’en a-t-il donc été, samedi, sur l’Avant-Scène de l’Industrie ? Devant une foule compacte et curieuse, accompagné d’un seul musicien et encerclé de machines, le mystérieux Alb a donné vie à ses constructions pop avec enthousiasme, simplicité et une musicalité rare. On craignait une partition froide et mécanique, et ce fut exactement l’inverse.
Cheveu, humour et agression
Une heure après, même scène, et même combat des machines. Les trois musiciens de Cheveu débarquent sur scène avec force boîtes à rythmes, séquenceurs, pédales et claviers. Mais leur musique, loin des hymnes sunshine pop de leur prédécesseur, est une forme d’agression savamment dosée et construite, mâtinée d’humour absurde comme Madame Pompidou ou le fameux "On se cogne et on s’excite" sur le morceau Slap and Shot. Sur scène, leur électro punk hallucinatoire, leur décalage permanent et un sens visiblement consommé de la joute verbale absurde en festival font mouche. La foule se déchaîne littéralement, seulement interrompue par une invitation répétée du chanteur à méditer "sur l’unité belge". Véritablement jouissif.
Dimanche soir à 23h, c’est sur le crépusculaire Nightcall de Kavinsky que le festival touchait à sa fin. Prochaine édition : du 28 au 30 août 2015. Le rendez-vous est pris !
Site officiel du festival Rock en Seine