Libre comme Brigitte

Libre comme Brigitte
Brigitte © D. Coste

Phénomène de l'année 2011 avec l'album Et vous, tu m'aimes ?, Brigitte, duo composé d'Aurélie Saada et Sylvie Hoarau, avait marqué les esprits par sa légèreté et son ironie carnassière. Forte d'une énergie dansante et encore davantage libérée, Brigitte joue avec A bouche que veux-tu, son destin sous les boules à facettes. Un deuxième opus propice au déhanchement.

Ceux qui ne voyaient en elle qu'un phénomène de mode tendance feu de paille peuvent revoir leur copie. Hors et dans l'air du temps, Brigitte est là pour durer. Elle n'est pas le pur produit de la culture de l'instant. On dit "elle" au singulier parce que ce duo, c'est une vraie entité.

Dans la foulée de la déferlante d'une reprise "rampe de lancement" (Ma Benz de NTM), d'un premier album à la résonance inespérée (près de 200.000 albums écoulés), d'une longue série de concerts triomphants et d'une Victoire de la musique (Révélation scène) boostante, Aurélie Saada et Sylvie Hoarau n'en finissent pas de savourer le moment présent. État d'esprit aussi palpable dans leur quotidien que sur cette suite discographique.
 
Pour la prise de tête ou la pression d'être attendue au tournant, faudra repasser. Il faut dire que les deux nanas étaient jusqu'alors plus à même, dans leurs projets respectifs, à connaître des déboires qu'à récolter les lauriers. "On ne réalise pas vraiment ce qui nous est arrivé. Quand on a créé ce groupe, on pensait qu'on allait arrêter la musique. On avait l'habitude que les choses ne marchent pas. Qu'est-ce qui nous restait hormis le fait d'être aventureuses et d'explorer ?"
 
Donc Brigitte continue son union des genres. Elle s'en délecte, s'en alimente, mais pas à n'importe quel prix et surtout pas celui de l'intégrité. "Notre liberté est trop précieuse pour nous. On ne fait pas les choses pour plaire sinon ce serait paralysant". C'est un duo de la persévérance. Du courage aussi. Courage de gratter leurs propres envies, d'aller là où le cœur les mène, de refuser les dictatures sonores.
 
 
 
Une amitié fusionnelle

Au coin du feu, carburant au thé, les filles s'en remettent à l'adrénaline quand elles commencent à écrire et composer à quatre mains. Entre Aurélie et Sylvie, une amitié fusionnelle. Elles forment un bloc, gèrent tout à deux, allant même jusqu'à concevoir leur propre label (B Records). Aucun intermédiaire sur le chemin de cette complémentarité quasi miraculeuse. Pour le processus créatif, c'est assurément un atout majeur. "Ensemble, on ose comme jamais. On n'a pas peur de proposer une idée à l'autre. C'est ça notre secret, on évolue dans une démarche bienveillante".
 
Exit l'opposition de style. Les voilà désormais sur le terrain de la gémellité, arborant un look disco glamour qui leur va comme un gant. Histoire également de mettre en sourdine certains clichés inappropriés. "Parfois en interview, on nous posait des questions débiles comme : qui est la plus féminine ou qui est la plus autoritaire des deux ? On se ressemble terriblement et on avait envie de travailler sur le double, d'avoir à la fois un côté envoûtant et angoissant".
 
Comme Brigitte a eu furieusement envie de danser au cours de sa précédente tournée, A bouche que veux-tu s'adresse beaucoup aux corps. En rejoignant les abords de la piste de la danse qui se conjuguent avec abandon, il se pose comme une alternative à la morosité ambiante. D'où une sensualité qui pullule et pète tous les plafonds. "C'est vrai qu'elle est encore plus assumée. On aime les femmes dans leur pluralité. On parle de nous, mais aussi des filles qu'on observe. Est-ce encore tabou de parler des désirs féminins ? On a l'impression que cela ne l'est pas, mais comme on en parle beaucoup, il y a de quoi s'interroger".
Harmonies vocales
 
Gourmande de vie charnelle, assoiffée de sensations nouvelles, disponible pour la bagatelle, Brigitte prend la morale et les conventions à rebrousse-poil. Elle est libre, en abuse, assume ses paradoxes. Ne plus compter sur elle pour baisser la garde. "Elle a changé. Sur le premier album, elle avait besoin de sortir la tête de l'eau, il y avait quelque chose de combatif. Là, elle a juste envie de profiter, de varier les plaisirs. Il n'est pas question d'amour toujours. Ce disque est plus épicurien, il ne fait pas de plan sur la comète"
 
Ici règnent une batterie lancinante (Le déclin), une rythmique africanisante qui n'aurait pas fait tache sur une galette d'Amadou et Mariam (Hier encore), une incursion reggae (Plurielle), des percussions électroniques (Les filles ne pleurent pas), une basse disco (L'échappée belle), un érotisme torride (Je sais pas).
 
Le langage est mutin, décomplexé, parfois simpliste. Et les harmonies vocales se taillent une belle part du lion. "On ne s'en est rendu compte qu'après coup. On a tellement passé de temps et chanté ensemble que c'est finalement le processus naturel d'écrire des chansons pour deux voix. On ne s'imagine pas chanter sans la voix de l'autre, ce serait comme avoir un membre en moins". Brigitte chante le cœur léger et à tue-tête. Elle est désirante et désirable.

Brigitte A bouche que veux-tu (Sony Music) 2014
Page Facebook de Brigitte

En concert le 05 mai 2015 à l'Olympia