Diane Tell, la mise à nue

Diane Tell, la mise à nue
Diane Tell © Diane Tell

En solo, juste avec une guitare et sa voix mélodieuse, la chanteuse québécoise Diane Tell, reprend dans son nouvel opus, Une, plusieurs titres célèbres de son répertoire et s'aventure dans celui de Boris Vian, Charles Aznavour et Françoise Hardy. Une manière de faire à nouveau connaissance avec des chansons qui retrouvent ici une certaine forme de pureté.

RFI Musique : Vous sortez Une en France quelques mois après le best of Passé simple. L'heure est-elle à la nostalgie ?
Diane Tell : Tous les dix ans, je fais une compilation. Les chansons de mes débuts sont toujours très populaires auprès du public et étant donné que les formats changent – en 2003 il n'y avait pas i-tunes par exemple – on est obligé de restaurer le bandes maîtresses. Il faut les mettre en conformité avec les nouveaux médias et comme j'enregistre entre temps, il y a des nouveautés aussi dessus. Cette fois-ci, on a décidé de faire un peu plus que d'habitude. On a fait Passé simple avec des versions originales et Une avec des versions acoustiques parce que le public le réclamait.

Les chansons de Une sonnent comme des confidences. Était-ce l'effet recherché ?
C'est la richesse de la formule guitare-voix. Elles sont déshabillées de leurs arrangements et cela donne un tête-à-tête avec le public, ou même un tête-à-tête entre moi et la chanson. C'est peut-être pour cela qu'il y a ce petit côté intime. Je chante beaucoup en solo et les chansons sont imprégnées de cette atmosphère-là. La voix se pose aussi naturellement sans aucun artifice.
 
Chanter en solo avec votre guitare, c'est en quelque sorte un retour aux sources ?
Dans une petite semaine, je vais chanter au collège Marie-de-France à Montréal. À l'âge de douze ans, j'avais donné là-bas mon tout premier concert. Je chantais déjà mes propres chansons avec une guitare classique. Je vais donc me retrouver dans le même cas de figure sauf que ce sera avec une guitare à cordes de nylon. Je me souviens que je m'étais dit à l'époque que j'en ferais bien mon métier (rires).
 
La guitare, c'est votre plus fidèle alliée ?
Complètement. Je repense à mes voyages en Afrique. Entre 1996 et 2000, j'ai passé un brevet de pilote et je suis partie avec Air Solidaire pour des missions humanitaires. J'apportais toujours une guitare avec moi et j'avoue que cela a été mon passeport pour une espèce d'amitié automatique avec des gens que je croisais dans de tout petits villages. Je sortais ma guitare de mon monomoteur et d'un seul coup, leurs yeux s'allumaient. Ils allaient chercher leurs propres instruments. Et même si on ne parlait pas la même langue, il y avait comme une communion magique.
 
La chanson éponyme de l'album semble très personnelle. Doit-on en déduire qu'il n'y a pas d'âge pour la beauté de l'amour ?
C'est exactement le sens de la chanson. Avec Serge Fortin, on avait envie d'écrire sur l'amour, mais avec certain un point de vue. On a l'impression que tomber amoureux à mon âge, c'est comme abandonner toute raison et vivre dans une sorte d'adolescence attardée. Je ne vois pas tout à fait les choses comme cela. Dans cette chanson, je parle de ce sentiment que l'on vit avec son expérience. L'intensité est très différente, mais n'en reste pas moins très profonde. On mesure mieux l'importance de ces moments-là. On a davantage conscience de qui nous arrive. À la fin de son existence, on disait de Billie Holiday qu'elle racontait toute sa vie dans chacune des syllabes lorsqu'elle chantait.
 
Une femme amoureuse donc ?
Je suis heureuse par nature, c'est mon tempérament. Disons que je suis un bateau ivre sur un océan de mélancolie.
 
Vous glissez aussi deux titres de Boris Vian J'suis mordue et J'en ai marre de l'amour. Un clin d’œil à votre projet de 2010, Mister Boris et Docteur Vian?
J'avais eu depuis très longtemps envie de faire un album de jazz, mais en français. J'ai cherché un peu partout dans ce style musical et dans cette langue. Boris Vian avait fait peu de temps avant sa mort, des adaptations en français de standards. Il l'a fait tellement bien que je n'ai choisi que des textes inédits de lui. Le morceau J'suis mordue, sur une musique de Duke Ellington, n'avait jamais été enregistré en français et n'était pas présent sur le disque. D'où cette volonté ici de revisiter cette chanson de manière dénudée.
 
Est-il vrai que la chanson Si j'étais un homme a failli passer à la trappe ?
J'ai représenté Radio Canada au festival international de Spa. C'était un festival de chansons très important à l'époque. La chanson a été recalée au premier tour du concours. Elle a failli ne pas être sur l'album, car j'étais un peu vexée comme toute jeune fille de 19 ans qui a eu le sentiment d'avoir tout donné. Pour la petite histoire : ce sont ceux qui avaient refusé la chanson du concours qui ont signé finalement le contrat. Elle n'a pas connu non plus un immense succès à la sortie. Mais avec l'arrivée de la FM et du soutien de grands programmateurs, elle a fait son bonhomme de chemin. Au lieu d'être un tube instantané puis qu'on oublie, c'est devenu un vrai classique.
 
Vous reprenez Qui d'Aznavour, chanson que vous interprétiez dans la comédie musicale Je m' voyais déjà. Cette aventure collective a-t-elle vraiment répondu à vos attentes ?
Je m'éclate à travailler en équipe. On met de côté son ego et on travaille pour l’œuvre. Cela m'a permis de faire des découvertes aussi. Il y a les chansons de Charles Aznavour que tout le monde connaît. Mais Qui, justement, est un titre sublime dont j'ignorais l'existence. Je le fais désormais dans tous mes concerts. Mais l'univers de la comédie musicale en France est quand même assez particulier. Je suis respectueuse dans mon travail, je m'investis énormément. Et là, on m'a donné l'impression qu'il y avait dix personnes qui pouvaient prendre ma place en un claquement de doigts.

Vous partagez votre vie entre Biarritz et le Québec. La France est votre seconde patrie ?

J'ai passé même plus de temps en France qu'au Québec où je vais surtout pour mon travail. La France fait totalement partie de ma vie. Mais les racines sont ce qu'elles sont. Je peux reprendre mon petit accent québécois sans problèmes avec ma mère et les gens de ma famille.
 
Diane Tell Une (Tuta Music Inc/Rue Stendhal) 2015
Site officiel de Diane Tell
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