La nouvelle ère de Joseph d’Anvers

La nouvelle ère de Joseph d’Anvers
Joseph d'Anvers © E. Allenbach

Séparé de son label après trois disques, Joseph d’Anvers autoproduit aujourd’hui son quatrième album, Les Matins blancs, grâce notamment à la plateforme de crowdfunding KissKissBankBank. Ce nouvel opus, composé essentiellement de chansons d’amour, de rupture, révèle une pop élégante, où s’invitent des "frères d’armes", tels Miossec, Dominique A ou Lescop. Avec ce quatrième volet, le chanteur s’inscrit définitivement dans cet héritage. Rencontre.

"J’ai besoin de vous !" : il y un an, en février 2014, Joseph d’Anvers concluait ainsi son appel aux dons, adressé à ses fans, sur la plateforme de financement participatif Kisskissbankbank, pour réaliser son quatrième album, Les Matins blancs. Sur cette page, il explique son projet. Séparé de son label Atmosphériques après trois disques – "Nous n’avions plus d’enthousiasmes mutuels, dit-il aujourd’hui. Nos envies communes s’étaient fissurées. Dur de recoller les morceaux ..." –, le chanteur décide de se lancer dans l’autoproduction, avec toutes les difficultés que comporte l’entreprise. "Beaucoup d’investissement, tant personnel (organisation de l’enregistrement, studio, ingénieur du son..), que financier…" justifiait-il.

Le chanteur précise : "J’étais alors dans une démarche d’humilité, je me considérais revenir à zéro, comme s’il s’agissait de mon premier album : les mains dans le cambouis !" En 24h, la collecte atteint son objectif de 5500€ ; à son terme, un mois plus tard, elle culmine à 12345€, avec 254 donateurs. "Ce fut le projet le plus 'rentable' du site, proportionnellement aux visées de départ", s’émeut-il. Ces fonds s’ajoutent à ceux récoltés auprès de la ville de Nevers, aux bienfaits d’un mécène de Hong Kong, et à ses indemnités de départ d’Atmosphériques.
 
L’autoproduction : une attitude "punk"
 
Implacable, sa réussite conforte l’artiste dans ses intuitions. Libéré de son label, après quelques mois de négociations, Joseph interroge la possibilité de signer avec une autre structure, se heurte à des hésitations, des hypothèses de compromis, redoute des délais fastidieux. "Je ne voulais plus attendre. J’avais déjà écrit une trentaine de chansons ! Surtout, mes trois précédents disques et mon réseau me permettaient d’entamer cette démarche, saine et actuelle : l’autoproduction. Déjà, en 2004, Daniel Darc me confiait que le vrai "punk" était l’autoproduit. Un artiste sans concession. Je ne voulais plus diluer mes idées dans des impératifs extérieurs. Ici, seul maître à bord, je n’ai eu que des interlocuteurs musicaux : on parlait la même langue." Le chanteur se frotte donc à des contraintes non musicales (budget, production, etc.) pour servir un propos artistique resserré.
 
Sculpter la matière
 
Son art, justement, provient d’une écriture prolifique. Ce créateur d’un roman (La Nuit ne viendra jamais) et d’un road-movie musical (Dead Boys) possède une plume alerte. "J’ai écrit une centaine de chansons, avant d’en élire une petite quinzaine, raconte-t-il. Pour mon premier disque, je gardais les textes jaillis de l’instant, même imparfaits : une fulgurance 'photographique'. Pour le second, en travaillant avec Bashung, je me suis mis à beaucoup réécrire. Aujourd’hui, je compose sans peur. A chaque idée, chaque bribe de mélodie, je laisse sa chance, les enregistre. Dans cette masse de matière accumulée. Je sculpte, cisèle, extrais de petites figurines… Un vrai travail d’artisan !"

En résultent alors quatorze textes finement arrangés, d’une élégante facture pop-rock matinée d’arrangements de cordes ; un disque aux tons pastel, couleurs d’orage et de ciel bleu, qui parle d’amour, de ruptures, de nuit, de ces moments en équilibre sur le fil du présent, de points d’orgue et de suspension, de l’épopée chaloupée de "beautiful losers"… Autant d’obsession ! "Sur ce disque, je vise l’intime", dit-il.
 
En écho aux "nuits blanches", les "matins blancs", désignent ainsi, après une nuit d’amour ou de fête, ces instants précieux de lumières, minutes vierges entre chien et loup, quand s’éclaire l’horizon flamboyant. Sur ces pistes, Joseph chante – enfin – à gorge déployée…
 
L’inscription dans l’héritage
 
Et puis, sur une poignée de chansons, surgissent les potes, les complices. Comme le signe définitif de la chance. Ou de ses bonnes étoiles. Ainsi, deux "grands frères d’armes", Dominique A et Miossec, cosignent respectivement le lyrique Tremble, et La Nuit je t’aime quand même. Le jumeau, l’ami Lescop lui offre ce texte, Marie. Enfin, les musiciens d'Etienne Daho se joignent à la ronde.
 
Après s’être envolé pour Rio et Los Angeles pour son deuxième album Les Jours Sauvages, travaillé avec des "éminences groove", comme le producteur Mario Caldato Jr (Björk, Beck, Beastie Boys…), ou Money Mark (Beastie Boys…), emprunté des sentes inédites, Joseph D'Anvers revendique aujourd’hui sa lignée : Bashung, Dominique A, Darc, ou Miossec. "Je voulais revenir à un certain classicisme, dit-il. L’originalité devait naître des chansons, non de leur réalisation. Sans cesse comparé à mes illustres aînés, fier de mon statut d’'électron libre', je cherchais des échappatoires ! Aujourd’hui, pourtant, je ressens ce besoin d’une famille, de ces 'frères'. Je rêve d’une union, d’une discussion à la Brel-Brassens-Ferré, telle qu’immortalisée sur la photo de Jean-Pierre Leloir". Dans ces héritages, Les Matins blancs cherchent donc à s’inscrire. Une aube, la lueur d’une nouvelle histoire…
 
Joseph d’Anvers Les Matins blancs (at(h)ome) 2015
Page Facebook de Joseph d'Anvers

En concert le 10 mars au Café de la danse à Paris.