Eskelina, un conte franco-suédois

Eskelina, un conte franco-suédois
Eskelina © E. Vernazobres

Elle vient de sortir Le Matin du pélican, son premier disque de chanson française né de sa collaboration avec Christophe Bastien (Debout sur le Zinc) et Florent Vintrigner (La Rue Kétanou). La Suédoise Eskelina nous berce de sa voix douce et de sa pointe d’accent en douze chansons qui lui ressemblent. Portrait.

Il y a neuf ans, elle débarquait de sa Suède natale pour changer de vie, découvrant la France du côté de Sarlat, sans connaître notre langue et quasi sans un sou en poche. "À l’époque, je venais de terminer le lycée, j’étais un peu paumée et je trouvais que c’était un petit peu tôt dans la vie pour ne pas savoir quoi faire de son temps." Avec comme seule certitude, son envie de voyage et d’apprendre le français, entre heureux hasards de circonstances et d’intermédiaires. En quelques semaines, Eskelina quittait son appartement, vendait sa voiture pour se payer un billet d'avion et s’installait chez son hôte providentiel dans une maison sans eau courante ni électricité. Un retour aux sources.

En Suède, après avoir "bousillé (s)es oreilles et sa voix dans les bars" et constaté "que c’était difficile de percer sans perdre du poids et changer de coiffure", dans des années où la starisation est en vogue, elle avait décidé d’arrêter la musique.
 
Autant inspirée par le théâtre que par les chansons de Disney, celles de Stevie Wonder ou les poèmes de Dan Anderson que chantait sa mère, Eskelina a débuté le piano vers 10-12 ans, commencé à écrire ses premiers titres, en suédois et en anglais, monté un duo piano-voix à 15, puis appris la guitare. Et tout plaqué. Jusqu’à ce que le vivier bouillonnant des artistes de rue de Sarlat lui donne envie de s’y remettre.

De rencontre en rencontre, elle monte son premier trio autour de ses compositions, joue avec ses musiciens dans la rue, vend son premier disque "fait maison" aux passants. Puis, avec l’un d’eux, elle monte un groupe Solvända (un disque sortira en 2013), des compositions arrangées à quatre têtes dans des influences de musique du monde, de rock, de traditionnel suédois, avec quelques notes irlandaises.
 
De la rue à la scène

Aujourd’hui, c’est avec des chansons françaises qu’on la découvre. Des moments de vie qui la racontent, et pourtant ne sont pas d’elles. Car les musiques sont signées Christophe Bastien (Debout sur le Zinc), et les textes, Florent Vintrigner (La Rue Kétanou). Une collaboration née de nouveau comme une boule de neige.
 
En 2008 et 2009, Eskelina avait laissé une démo, puis une autre, auprès du groupe Debout sur le Zinc, en accompagnant à des concerts une copine fan de cette formation. "En novembre 2011, Christophe m’a recontactée parce qu’il voulait écrire des chansons pour une voix féminine, et m’a demandé si ça m’intéressait de devenir interprète. Il m’a envoyé des morceaux. Il s’est rendu compte que j’avais envie d’avoir mon mot à dire sur les paroles et en a parlé à Florent, son ami d’enfance, qui a accepté de travailler avec nous."

Un an et demi plus tard, au matin de leur première réunion chez Florent, les musiciens ont vu passer un grand pélican blanc dans le jardin, alors qu’il n’y en a pas en France, juste avant qu’Eskelina n’arrive. Il donne son titre à l’album : Le matin du Pélican. Une douzaine de chansons folk à l’écriture assez simple pour que la chanteuse puisse se les approprier, mais nous égrainant son histoire de façon très poétique.
 
On y saisit toutes les émotions des routes empruntées (Je reviens, La valise rose, Le départ), des amours de passage comme de l’amour tout court, sentimental et physique, qui happe tout l’être et qu’on se doit d’assumer (L’amoureuse). On découvre ceux qu’elle a côtoyés (Milan, L’Ambassadeur), à deux jolies occasions ceux que Florent Vintrigner a croisés lui (Femme Fleury et Entre les lignes, qui évoquent les prisons).
 
Ces trois-là, devenus amis et s’inspirant de leurs discussions, nous content dans un nid de mélodies claires, qui résonnent déjà comme des standards tant elles semblent couler de source, de fort jolies histoires franco-suédoises. Des idées engagées, aussi (Désordre pourrait rester comme le pendant social, politique et musical en version française d’un Partisan de Leonard Cohen).
 
"J’ai rencontré deux grands frères, décrit Eskelina. Quand je suis partie, j’avais tout le confort matériel et je m’ennuyais à mort. Je me suis retrouvée dans une maison sans rien. J’ai recommencé à zéro, pas de métier, pas de famille, je ne parlais plus la langue du pays, et j’ai retrouvé le sens de ma vie. J’ai des amis. Quand je monte sur scène, j’ai envie de partager cette expérience-là. On a tellement de choses à apprendre les uns des autres. Aujourd’hui, on a tellement peur de l’autre, je trouve ça vraiment dommage. Je suis venue sans rien et les gens m’ont aidée."

Eskelina Le Matin du pélican (L’Atelier du pélican) 2015
Page Facebook d'Eskelina
En concert à Paris le 7 mars à La Loge, le 16 avril au Zèbre de Belleville