Quatre ans et demi après Premières phalanges, album qui est un peu passé inaperçu, la lauréate de la Nouvelle Star en 2010, Luce, a pris du recul pour revenir avec Chaud, un deuxième opus écrit et composé par Mathieu Boogaerts, souvent pimenté, parfois tendre et qui colle à la personnalité explosive de son interprète. Rencontre.
RFI Musique : Avec votre premier album, qui n'a pas vraiment marqué les esprits, vous n'avez pas surfé sur la vague de la téléréalité. N'est-ce pas handicapant pour aborder la suite ?
Luce : Cela dépend de la manière dont tu envisages ton projet artistique. Il me fallait du temps après ce premier album, ce que je n'avais pas eu après Nouvelle Star. J'avais besoin de digérer, de savoir si vraiment, j'avais envie de faire de la musique et de me sentir légitime. Malgré ses erreurs, je reste fière de ce premier disque.
Quelles erreurs selon vous ?
C'était très patchwork. Il y avait de la pop, de la chanson à texte, de l'électro. Je me suis perdue, j'étais trop dans la démonstration. Au moins, cela a confirmé le fait que j'aimais la scène. C'est le point positif. Après cela, pour arriver jusqu'à
Chaud, il y a eu un changement de maison de disques, la re-rencontre avec
Mathieu Boogaerts. J'ai surtout appris à travailler avec quelqu'un.
Le doute est-il fréquent chez vous ?
Il est même permanent. Je ne sais jamais si je suis à ma place. Ce n'est pas que dans la musique ce questionnement, c'est au quotidien. Quand j'ai gagné Nouvelle Star, je n'arrêtais pas de dire : "J'ai volé la place à quelqu'un". Cela commence à aller mieux et Mathieu n'y est pas étranger.
Et votre rapport à la légitimité, il est donc désormais réglé ?
C'était un vrai amusement pour moi, cette émission. Contrairement à certains, je ne jouais pas ma vie. Je ne crois pas que j'étais dans la séduction avec le public. J'étais juste moi, avec mes rondeurs. J'étais juste convaincue que le fait de m'éclater ne pouvait qu'être positif. Après, il y a le retour du bâton. Tu dois faire face à un changement radical de vie. J'ai quitté mes amis, ma famille pour venir vivre à Paris. Je rencontrais tous les jours plus de vingt personnes que je n'allais pas revoir le lendemain. J'ai eu très peur et je pense qu'il m'aurait fallu un an et demi avant de sortir le premier disque. Comme on m'avait amenée jusque-là, je ne pouvais pas dire non. Avant, j'étais une femme enfant. Là, je suis plus femme qu'enfant, même si je reste très liée à mon enfance. En quatre ans et demi, j'ai appris à grandir et à écouter ce qu'on me dit. Je me suis affirmée, je suis davantage capable de défendre cet album. Avant, en interview, je faisais des blagues toutes les dix secondes. C'était un peu lourd (rires).
Vos retrouvailles avec Mathieu Boogaerts étaient-elles prévues dans un coin de votre tête ?
Pas au début. Et je ne pense pas que dans la sienne non plus. On avait coécrit deux textes sur le premier album (J'me fume et Élise, NDLR) et cela s'était extrêmement bien passé. Son univers est très marqué. On s'est retrouvés un peu après, mais je ne savais pas du tout si je ne voulais travailler qu'avec lui. On a fait deux-trois morceaux pour voir où on allait. Il y avait comme quelque chose de fluide entre nous. Mathieu est quelqu'un de très exigeant avec lui-même, il ne se laisse que peu de répit en studio.
Cela vous permet-il aussi de gagner en crédibilité ?
Complètement. Lui et moi, nous savons pourquoi nous travaillons ensemble. On a beaucoup de points communs. Je suis une bouche qui peut populariser les écrits de Mathieu. Et lui m'amène la crédibilité que j'aurais aimée avoir dès le premier disque et que je n'ai pas attrapée. Il n'y a rien de superficiel dans cet album. Ma voix est en avant et quelques arrangements viennent la sublimer. Je ne me cache plus derrière des vibratos et je laisse de la place aux émotions.
Avez-vous imposé certains thèmes ?
Pas tous. J'avais des choses en tête comme Dans ma maman, qui est ma chanson préférée. J'ai cosigné La Polka avec Mathieu. "Je veux danser la polka/Je veux la danser dans tes bras" : quand j'ai donné cette phrase à Mathieu, on savait un peu de quoi ça pouvait parler. Chaussures et Chat doux sont des morceaux qui étaient prévus pour le premier album, mais là ils trouvent leur cohérence. J'ai un côté coquin, provocateur et Mathieu l'a perçu. Ce n'est pas innocent s'il m'a donné la chanson Le feu au cul. C'est un titre qui a découlé de notre rencontre.
Vous considérez-vous comme sa muse ?
Bien sûr, mais ce n'est pas prétentieux. Mathieu m'a dit : "Quand j'écris pour toi, tu m'inspires". J'existe complètement en étant muse de quelqu'un et surtout, je peux peaufiner mon rôle d'interprète. En plus, j'ai la chance qu'il m'accompagne en tournée.
D'où également une certaine forme de théâtralité chez vous ?
Je viens du théâtre donc j'ai déjà beaucoup de mécanismes qui découlent de là. Pour moi, c'est très proche de la musique. Il y a des liens qui ont toujours été présents. Les textes de Mathieu sont théâtraux, ils racontent une histoire. Il a su m'habiller comme j'en avais besoin. Et sur scène, je peux envoyer selon mes désirs.
Votre mère, c'est votre héroïne ?
On a relation totalement fusionnelle. J'aimerais être comme elle à son âge. Elle ne court pas après les choses, elle regarde ce qu'elle a et s'en contente. Je ne dis jamais "je t'aime" et Dans ma maman, c'est en quelque sorte, ma déclaration. Il est question dans cette chanson d'une personne agressée par l'extérieur et qui veut juste se lover dans le bas du ventre de sa mère comme lorsqu'elle était fœtus.
Luce et Lucie sont-elles les mêmes ?
Dans les gros traits, oui. Mais je fais une différence entre le privé et le public. Ici, je suis Luce, chez moi, je suis Lucie. Je suis beaucoup moins patiente dans ma vie personnelle. Il faut quand même réussir à me suivre (rires).
Luce Chaud (Tôt ou Tard) 2015
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