Luciole clignote à nouveau

Luciole clignote à nouveau
Luciole © R. Julian

Apparue il y a six ans avec un premier album qui la voyait s'envoler sur la scène slam, Luciole donne enfin de ses nouvelles discographiques avec Une. Pour ce retour qu'on guettait secrètement, une voix de chanteuse joliment assumée et une pop-electro aussi bien attrayante que songeuse, permettent à Luciole de prendre un virage parfaitement dompté.

Luciole est une revenante. Ou presque. Ceux qui la suivent de très près savent qu'elle n'a jamais quitté la scène. Entre concerts donnés ici et là, participation à des jam sessions, création en juillet dernier d'un spectacle aux trois Baudets avec Zaza Fournier et Cléa Vincent, elle n'a pas fait preuve de désertion artistique.

La grande majorité du public en est resté à Ombres, un des disques francophones marquants de l'année 2009. On y découvrait une jeune fille de 22 ans qui prenait son envol et apportait une touche féminine salvatrice dans le registre du slam. Succès d'estime et critique.
 
Mais Luciole n'a pas surfé sur la vague. Envol soudain interrompu. Disparition des radars. "J'étais perdue, je ne savais pas trop quoi faire musicalement. J'avais besoin de temps pour avoir les idées claires. Je n'avais pas envie de me faire violence au risque de sortir quelque chose qui allait être une redite du premier disque".

Dans la conversation, Luciole est en équilibre entre sensibilité et franc-parler. D'ailleurs, elle ne s'en cache pas : le chemin de traverse qui l'a menée jusqu'à la finalisation de Une a été semé de doutes. Plutôt que de frapper aux portes des maisons des disques, elle décide de passer par l'auto-production. Sauf que son casse-tête est davantage lié à l'orientation musicale.

 
La suite prouvera que ses appréhensions n'avaient pas lieu d'être. Épaulée par la paire de réalisateurs Benoît Guivarch et Antoine Kerninon, fidèles qui l'accompagnent sur scène, elle est en confiance pour opérer un net changement de braquet. Le cocon assez douillet qui enveloppait ses chansons est déchiré.
 
Voilà les nouveaux morceaux parés de couleurs électroniques et de nervures rythmiques audacieuses. "Mon désir était que la section rythmique soit mise à l'honneur, qu'elle soit le moteur des titres. Je suis particulièrement attirée par les percussions. Ce que j'écoute personnellement, c'est clairement là-dedans. J'avais peur que les gens soient déroutés. Mais un mec comme Stromae m'a décomplexée. Ma tante, qui normalement aime Charlélie Couture ou Thiéfaine, va à ses concerts alors que le son est ultra-électro. Je me suis donc dit que mes incursions dans ce domaine n'allaient faire de mal à personne".
 
Il n'empêche que, chez Luciole, les mots restent la matière première. Ils sont le noyau dur de tous ses projets. Une écriture racée et pleine d'images poétiques. Elle fait le lien entre vélocité vocale et sensibilité à vif. Parce que la diseuse a désormais laissé place à la chanteuse. Mutation qui n'étonnera que ceux qui sont passés à côté de son EP Et en attendant. "J'ai pas mal évolué sans m'en rendre compte. En même temps, j'ai commencé les cours de chant à l'adolescence. Ma façon de chanter s'est développée en posant ma voix sur de nombreux genres musicaux différents".
 
Les amateurs de raccourcis vont vite faire le rapprochement avec Émilie Simon. Ils n'auront pas tout à fait tort. Auparavant, c'est le nom de Camille qui était sur de nombreuses lèvres. "C'était tellement trop que j'ai été obligée de ranger ses disques au fond d'une boîte. Je n'ai jamais écouté son dernier album. Cela ne me dérange pas qu'on me dise que je ressemble à d'autres chanteuses. Mais j'ai envie de cultiver ma singularité". Difficile de ne pas aller dans son sens, car ces abrégés – certes élogieux – ne disent pas tout de la particularité du personnage.
 
Ce disque est une quête de soi. Il part de constats, s'établit dans une sorte de fascination pour les éléments extérieurs et joue sur les opposés. "Je vais un peu visiter les extrêmes de chaque côté pour m'aider à me définir. On n'est pas que fort ou fragile, il y a plein de données qui se superposent". L'air de rien, Luciole se lance et ne recule devant rien. Pas même d'inviter Hugh Coltman dont l'apparition à la fin de la chanson Fix you fait indéniablement son petit effet. Une des nombreuses richesses d'un album remarquablement maîtrisé.
 
Luciole Une (Attends moi / L'Autre distribution) 2015
Site officiel de Luciole
Page Facebook de Luciole
 
A écouter : la session live avec Luciole dans La Bande Passante (05/052015)