Zazie, penchée sur le monde et sur l’amour

Zazie, penchée sur le monde et sur l’amour
Zazie © E. Guillemain

Sur la pochette de son neuvième album, Encore heureux, Zazie est la tour de Pise dans les rues de New York… Penchée sur le monde pendant que celui-ci tangue, mais reste debout. Vraie. Sensible. En quête du bonheur pour tous. Profondément humaine. Tout comme ce nouvel album, dont certains morceaux peuvent faire penser à Totem, en 2007, avec son immense Je suis un homme. Rencontre.

RFI Musique : Les guitaristes Édith Fambuena et Philippe Paradis, marqués "pop rock" (Daho, Bashung, Higelin, Thiéfaine…) ont réalisé Encore heureux. Ont-ils été déterminants pour son atmosphère ?
Zazie : Ils viennent d’un univers indépendant, c’est vrai, mais je ne mets pas d’étiquette sur ce que je fais. Je tiens à me dire que je chante de la chanson populaire : je ne choisis pas à qui je m’adresse. Pas de posture ni d’imposture… Ce disque-là, c’est de la pop, avec de vrais instruments. Quelque chose de très organique, très aérien. Pour composer les chansons, nous sommes partis tous trois en Grèce, à Santorin. J’avais quatre titres. Là-bas, nous en avons écrit neuf. A Paris, pour les produire, nous avons continué ensemble parce que nous étions complémentaires. Nous avons pratiquement tout gardé des maquettes que nous avons enregistrées, pour éviter cette sorte de stérilisation qui intervient entre la maquette et la mise au propre.

Discold, votre premier single, est une incursion réussie dans le monde de l’électro rock. Pourquoi n’y en a-t-il pas d’autres dans l’album ?
Il nous a causé un peu de souci, Discold ! Au début, il était moins agité du bocal… On le trouvait même trop tiède, avec son texte marqué d’une certaine froideur. Philippe et Édith ont donc essayé différentes choses, puis ils se sont énervés sur le morceau et j’ai trouvé que ça lui allait très bien, que ça lui donnait une nervosité un peu plus… anglaise. Il y a de l’énergie dans d’autres morceaux, comme Petroleum, mais Discold est unique.
 
Pise aussi est fort, avec ses images ‘penchées’ : "J’ai gardé ce penchant pour toi"… Et sa version pour les radios encore plus…
Vous trouvez ? Nous pensions que la version de l’album risquait d’être trop longue pour les radios, dont beaucoup, malheureusement, ne passent plus les titres en entier… Nous avons donc préféré en faire nous-mêmes une version plus ramassée, en entrant dans la chanson plus rapidement. Mais je préfère la version de l’album : cet animal qui penche et prend son temps, avec une espèce de lenteur italienne, mélancolique…
 
Vous avez finalement choisi de rester dans The Voice, saison 5. Pourquoi avoir hésité, surtout après la victoire de votre candidat, Lilian Renaud ?
Parce que je vais partir en tournée avec Encore heureux, ce qui est ma priorité… Je voulais aussi savoir qui seraient les coaches. En voyant qui ce sera, je me suis dit que nous serions de bons camarades de jeu… J’aime ce type d’émissions : elles remplacent les émissions de musique, trop rares à la télévision. Elles sont une énorme vitrine pour les candidats, même ceux qui n’ont pas gagné. Elles créent l’impulsion pour des débuts de carrière.
 
Depuis Je suis un homme (Totem, 2007), et, ici, avec les très marquants I love you all, Faut pas s’y fier et Oui Filles, vous semblez porter le message que l’amour seul peut résoudre tous les conflits du monde… N’est-ce pas naïf ?
Il faut se rappeler parfois, avec une naïveté voulue, que notre pire ennemi, c’est nous-mêmes, pas forcément l’autre. I love you all vient juste après le drame de Charlie Hebdo. Tous nos présidents passent leur temps à nous dire : "faut plus faire ci, faut faire ça", alors qu’il leur suffirait de rappeler ce message très simple : "Soyons curieux de l’autre".
Faut pas s’y fier, ce serait une jeune femme ingénue qui se dirait : "Je ne suis pas très douée pour comprendre le monde. En revanche, je le suis pour faire des câlins. Devant tous ces hommes qui se battent, je ne sais pas quoi faire. Alors, je vais les embrasser." Il s’agit de désarmer les hommes.
 
En somme, vous portez un projet pour le troisième millénaire : la "féminocratie"…
(Rire) Je ne pense pas porter de valeurs féministes. Des valeurs féminines, oui : la tendresse, le respect, l’humanité, l’écoute de l’autre, la bienveillance, l’humilité. Notre rôle d’artistes n’est pas d’être dans le message. En revanche, le point de vue des femmes n’est pas dénué de sens : nous avons une notion plus palpable de notre mortalité, de notre fragilité et du courage qu’il faut pour affronter un quotidien pas très glamour. Je crois donc qu’il faut un monde aux valeurs plus féminines, en tête desquelles l’amour…
 
Zazie Encore heureux (Mercury/ Universal) 2015
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En concert à Paris du 16/03/2016 au 19/03/2016 aux Folies Bergères