La fête continue pour Le Grand Orchestre du Splendid qui a connu son heure de gloire avec des tubes comme La salsa du démon ou Macao. Créé dans l'esprit du big band à la Ray Ventura, le décapant et guilleret collectif célèbre son quarantième anniversaire. Interview de Xavier Thibault, son fondateur.
RFI Musique : Après 40 ans d'activité, êtes-vous surpris d'être encore là ?
Xavier Thibault : On a toujours travaillé. Mais, au départ, c'était juste un bœuf, l'idée de faire quelque chose hors du temps à cette époque-là. On a commencé à jouer le dimanche. La troupe du Splendid nous avait prêté le café-théâtre, car c'était son jour de relâche. Nous ne sommes partis de rien ou presque. Donc, si on m'avait dit qu'on en aurait pris pour 40 ans, je ne l'aurais pas cru !
L'époque de tous les possibles ?
Il y avait une vraie émulation. On avait la possibilité de jouer un peu n'importe où. On pouvait spontanément créer des cafés théâtres, c'est-à-dire qu'on prenait une vieille boutique, on faisait un décor, on mettait un peu de béton, on créait une scène, on ajoutait des chaises et on y allait. Avec toutes les lois sur la sécurité, ce serait aujourd'hui inimaginable.
Le soutien de Jean-Louis Foulquier et de Paul Lederman, manager de Coluche et Le Luron, a-t-il eu un effet "boostant" ?
Le succès est arrivé avant qu'on ne travaille avec eux. Dès le premier jour, les choses ont marché pour nous. Avec l'émission de Foulquier sur France Inter, c'était une belle vitrine. C'était une quotidienne et on a fait une année entière à l'antenne. Quant à Paul, il a travaillé pour nous comme il le faisait avec les autres artistes.
Que s'est-il donc passé ce fameux premier jour ?
Quand les gars du Splendid nous ont proposé de prêter leur cave le dimanche, on s'est dit qu'on allait faire salle vide. Personne ne nous connaissait, on n'avait fait aucune promotion. On est allés jouer à Beaubourg, ce n'était pas très loin du café-théâtre. C'était noir de monde. Il y avait plein de gens qui faisaient la manche, des hippies qui chantaient "peace & love". On s'est ramenés en smoking blanc avec œillère à la boutonnière, nœud papillon et on a joué des morceaux swing. Tout de suite, il y a eu un attroupement. On est repartis au théâtre, les gens nous ont suivis. La porte était grande ouverte et tout le monde est rentré. La salle était pleine.
Coluche, était-ce votre ami intime ?
Complètement. Avant de monter l'orchestre, c'est avec lui que j'ai vraiment démarré. On a fait des petites comédies musicales. Je l'ai aussi accompagné quand il a commencé ses grandes tournées. Coluche m'a presque obligé à jouer la comédie, à me lancer dans des choses plus déjantées. À l'époque, j'étais musicien et je ne voulais faire que ça. Pendant un mois, il est venu aussi rejoindre l'orchestre pour quelques dates en province et quelques télévisions. On m'en parle encore aujourd'hui de Coluche avec son collant hyper moulant, une grappe de raisin entre les jambes et son trident à la main.
La longévité de la formation peut-elle s'expliquer également par le fait qu'elle ne s'est jamais calquée sur les modes ?
C'était pratiquement impensable de faire du Ray Aventura alors que la mode était à la pop et au début du punk. Je pense qu'on s'est fait remarquer parce qu'on était à contre-courant. En même temps, c'était dans notre nature de ne pas être dans la conformité.
Comment avez-vous eu l'idée de La salsa du démon ?
J'ai un goût plus que prononcé pour les costumes, qui sont d'ailleurs faits par ma compagne. J'ai toujours été très inspiré par les spectacles de Jérôme Savary. Et le fait de mettre ses costumes invraisemblables a eu un déclic pour les paroles et les personnages. Après, il y a un petit côté sulfureux dans le texte qui m'accompagne souvent. Mais c'est le visuel qui a été à la base de cette chanson.
Dans l'imaginaire collectif, le côté festif de l'orchestre n'a-t-il pas pris le dessus sur l'aspect musical ?
Peut-être, mais cela ne me dérange aucunement. Des artistes professionnels doivent d'abord faire plaisir aux gens. Il faut savoir faire des compromis dans ce cas-là. Mais si on veut bien tendre l'oreille, il y a un vrai travail musical. Dans notre dernier album (Les années Splendid – saison 1, ndlr), on a réorchestré des standards et je suis assez fier du résultat.
La formation a-t-elle toujours été en constante mutation ?
Beaucoup de musiciens sont passés chez nous. On a fait avec l'emploi du temps de chacun. Certains sont partis pour d'autres aventures, travaillent aujourd'hui avec Zaz ou
Michel Legrand. D'autres ont fait des choses en parallèle. Les chanteurs, eux, ne bougent presque pas. Lou Volt, qui a rejoint la troupe en 1991 et pour qui j'écris, a monté son propre spectacle.
Médiatiquement, vous aviez ces derniers temps, un peu disparu des radars...
C'est normal. Pour que la presse s'intéresse à quelque chose, il faut soit un événement majeur soit de la nouveauté. Je suis conscient qu'on s'intéresse particulièrement à nous parce qu'il s'agit des 40 ans. Quand on fait un petit train-train, c'est assez logique qu'on ne se penche pas nécessairement sur nous. Là, on débute par l'Alhambra puis on va se produire dans les Zénith.
Le Grand Orchestre du Splendid a-t-il encore des rêves ?
Être dans un film. Il y a eu plusieurs projets qui n'ont pas abouti. On a raté quelque chose d'extraordinaire avec Louis de Funès. C'était un film de Claude Zidi, écrit par Michel Blanc, avec de Funès et nous. Mais hélas, Louis de Funès est décédé entre-temps. Ce sont des occasions qui ne se présentent pas tous les jours.