Enrico Macias, éternel nostalgique

Enrico Macias, éternel nostalgique
Enrico Macias © DR

Succédant à Venez tous mes amis, album de duos publié en 2012, le nouvel album d'Enrico Macias, Les clefs, a une tout autre saveur. On y retrouve une ribambelle d'auteurs (Da Silva, Marc Estève, Bruno Maman...) et son fils Jean-Claude Ghrenassia, aux arrangements. A 77 ans, l'interprète de Paris, tu m'as pris dans tes bras redevient artistiquement fréquentable.

Délicat d'écouter un nouvel opus d'Enrico Macias sans une once d'appréhension. Il y a ces repères tenaces qui amarrent au passé : une variété aux orchestrations lourdingues, des bons sentiments convenus, des "laï laï laï" caricaturaux. Sans compter que l'homme a eu don parfois d'agacer en donnant son avis sur commande et, surtout, en clamant haut et fort ses préférences ou revirements politiques. Il faut donc essayer de faire table rase de cela avant de se pencher sur Les clefs, disque initialement annoncé à l'automne dernier, mais repoussé à la suite d'une triple fracture au bras droit.
 
Cet album brise tout de go cette masse de préjugés. Difficile de ne pas reconnaître la valeur intrinsèque de ces chansons dont les nuances et l'élégance rappellent Oranges amères (2003), sa meilleure publication à ce jour.
 
Voici donc un retour en douceur, intimiste, pont entre le passé et le présent, regard vers l'avenir avec une grosse pointe de nostalgie incurable. "J'ai laissé la porte ouverte/Et les clefs dans la maison/Je suis allé dans le jardin/Respirer le jasmin/J'ai pris la route vers le Nord/Je ne savais pas encore...".

Dans la bouche du crooner oriental, on retrouve les mots de Da Silva pour évoquer l'exil, cette ombre saisissante, cette douleur à jamais absorbante. Ce lourd bagage référentiel évoqué en filigrane au sein de ce carnet de bord personnel (Mon chemin, Venez), c'est sa manière d'interroger le temps qui passe. Excepté l'emphase d’À la grâce de Dieu, son fils Jean-Claude Ghrenassia déroule des tapis sonores arabo-andalous d'une excellente tenue.
 

Sur un titre tiré d'une phrase d'Albert Camus (La justice et ma mère), Enrico Macias s'inquiète du chaos du monde ("Il vole sur les marchés/Des paroles et des bombes/Les dieux nous ont lâchés/Et creusent nos propres tombes"). Il y aussi cette célébration lumineuse de Paris (Ami), la vie qui ne coule plus de la même façon depuis la disparition de son épouse Suzy en 2008 (Chanson pour ma belle). Et enfin, l'espérance, partout, antidote à tous les pessimismes.

Enrico Macias Les clefs (Capitol) 2016
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