Le bilan de la quarantaine de Mickey 3D
Des groupes de rock français qui retrouvent la scène cette année, Mickey 3D est sans doute celui qui a le moins changé. Une électronique gentiment bricolée et un regard doux-amer sur l'époque, Mickaël Furnon n'a pas remis non plus dans sa guitare -acoustique- une certaine légèreté. Liberté, égalité, fragilité... et si c'était la devise d'une formation qui affiche avec Sebolavy, son sixième disque, une santé au beau fixe.
RFI Musique : Il y a sept ans qu'on attendait un nouveau disque de Mickey 3D. Pourquoi avoir laissé le temps filer ?
Mickaël Furnon : Je ne l'ai pas laissé filer, je n'ai pas arrêté de travailler. Mais je n'étais vraiment pas content de mes chansons. Pendant deux, trois ans, j'ai eu l'impression de tourner un petit peu en rond. Il a donc fallu que je me change les idées en écrivant pour Vanessa Paradis et pour Zaz. Après, ça allait un petit peu mieux. On ne voit pas le temps passer mais tout cela prend du temps.
En écoutant ce nouvel album, on a l'impression de vous retrouver quelques années plus tard, avec les bricolages qui font votre patte et cette électronique douce...
Ce qu'il y a, c'est que je ne me suis jamais considéré comme musicien, je n'ai jamais appris la musique. C'est pour cela que, pour l'instant, j'ai toujours refusé de travailler dans de gros studios ou avec de gros producteurs. Pour ce disque, je me suis plus ouvert aux autres. J'ai fait appel à un copain de Toulouse, Thierry Bon. Je lui ai envoyé des guitares/voix que j'ai enregistrées seul à la maison. Il a bricolé dessus et il m'a envoyé des musiques à lui. Il m'a amené de la fraîcheur, ce dont j'avais besoin. Et puis, je suis allé finir le tout en studio avec les copains musiciens qui me suivent sur la route.
Paradoxalement, Sebolavy n'est toujours pas optimiste, il y a même pas mal d'ironie quand vous dîtes cela…
Il y a à la fois de l'ironie et il y a le regard de quelqu'un qui a passé la quarantaine. On se dit : "C'est beau la vie !" et qu'il faut se rapprocher des choses essentielles, mettre de côté les soucis du quotidien. L'inquiétude, c'est quand je regarde la jeunesse d'aujourd'hui. Quand je vois comment tournent la planète et notre pays, je me dis que j'ai eu de la chance d'avoir été adolescent dans les années 80 et que je n'aimerais pas arriver sur le marché du travail maintenant.
Mais vous fustigez aussi cette jeunesse qui écrit "C'est beau la vie" en langage SMS et qui vote pour le Front national sans se retourner sur le passé. Vous vous en sentez déconnecté ?
Je me sens déconnecté dans la mesure où je n'arrive pas à comprendre pourquoi ils votent autant à l'extrême droite. Vu qu'ils sont perdus par tout le reste, il y en aurait la moitié qui voterait à l'extrême gauche, je comprendrais, mais qu'ils se tournent tous vers l'extrême droite ? J'ai parfois envie de les excuser, de comprendre, mais j'ai du mal ! Si les jeunes d'aujourd'hui s'intéressaient un peu plus à l'Histoire, ils se rendraient compte que dans les années 30, pas mal de gens avaient des discours qui nous ont menés à 6 millions de morts. Il faut donc faire attention quand on va voter !
Dans le titre François sous la pluie il y a de l'empathie pour le Président de la République, François Hollande. Ce n'est pas vraiment dans l'air du temps !
Ce n'est pas de l'empathie, c'est une chanson ni gentille, ni méchante, que j'ai voulu faire sur ce gars qui prend la pluie sur la tête le jour où il devient Président de la République. On a l'impression que le nuage le suit tout au long de son mandat et lui ne fait rien pour ramener le soleil, il se fourvoie. Moi, je fais partie de ceux qui sont très déçus par la politique du Parti socialiste et d'un autre côté, je n'arrive pas à le détester. Il y en a d'autres que je trouve beaucoup plus détestables. C'est donc pour cela que cette chanson a ce côté "valse pathétique", sans jeux de mots.
Est-ce que vous pourriez encore écrire une chanson comme Respire ?
Eh bien, je ne sais pas ! Je ne la ferais peut-être pas sous cet angle. Dans la chanson Après le Grand Canyon, je discute avec Geronimo pour lui dire : "Ou là là, si t'étais là, tu rigolerais pas." C'est une autre une démarche, celle d'un mec qui a quinze ans de plus. Depuis que j'ai dépassé la quarantaine, je suis beaucoup plus observateur. J'essaye de ne pas trop juger ou beaucoup moins qu'avant. Quand on est plus jeune, on est plus rebelle, plus donneur de leçons. On croit qu'on a tout compris et puis, plus on a l'expérience de la vie, plus on a envie de comprendre.
Jojo n'est plus là, Najah est revenue et vous êtes au centre des choses. Qui est Mickey 3D aujourd'hui ?
Quand les gens regardent un groupe, ils se basent souvent sur le moment où il a du succès. Mickey 3D existe depuis 1996, cela fait 20 ans. J'étais tout seul au début, et puis on était deux, trois ou quatre. Sur cet album, j'ai travaillé tout seul, Najah est revenue et puis d'autres copains du village m'ont rejoint. Ce n'est pas parce que j'ai mis six ans à faire ce disque que c'est un retour. Je ne me suis jamais dit : "Tiens, je vais faire autre chose et je reviendrais peut-être." Non, non ! Je n'ai pas arrêté de faire de la musique.
Est-ce qu'on peut être un chanteur engagé en 2016 ?
Je ne sais pas ! Moi, je ne suis pas engagé. J'engage ma personne quand je parle de trucs qui me touchent, mais je ne me sens pas engagé. Ni politiquement, ni socialement, ni écologiquement. Je suis un citoyen qui s'exprime, qui regarde la planète, la France, le ciel, et puis j'écris mes petites chansonnettes. Je bricole.