CharlElie Couture, porté par les anges du bayou
Pour son vingtième album, Lafayette, CharlElie Couture a quitté New York pour Lafayette, en Louisiane… Les genres cadiens – zydeco, coonass rock ou swampy rock – conviennent idéalement à sa musique et à sa voix. Un jour les anges, titre phare de cet album, s’impose comme une évidence. Et Lafayette en compte douze autres, jubilatoires…
Damiel, l’ange des Ailes du désir* a quitté le ciel au-dessus de Berlin et s’est posé avec douceur sur le toit d’une cabane surplombant la rivière Vermilion, près de Lafayette, au cœur moite de la Louisiane. Sur la Vermilion, son protégé, CharlElie Couture, fait avancer son canoë avec détermination. C’est la nuit américaine. Bleu clair. Dans le ciel au-dessus de Lafayette, la pleine lune et un petit avion – avec ses ailes. Celles de Damiel sont repliées. Il observe CharlElie en train de ramer. Soudain, il entend une musique, de plus en plus fort : orgue, batterie, trompette, guitare, jazz cool. Une voix trainante et nasale s’élève : "Un jour les anges en auront marre/ Qu’on reste sourd à leur mission…"
Un ange passe. Damiel s’estompe et CharlElie apparaît : "Un jour les anges est un gospel à la manière de la Louisiane : triste, mais la vie continue. Je l’ai démarré après les assassinats de Charlie-Hebdo, comme une interrogation sur les gens de bonne volonté. Les anges, ce sont tous ceux qui interviennent dans ta vie. Ceux qui t’aident sans que tu l’aies prévu : pour moi, Daniel Colling, Jean-Henri Meunier, Chris Blackwell…"
Bertrand Charles Élie Couture, né à Nancy le 26 février 1956, a dû partir à New York il y a une douzaine d’années pour prouver au monde qu’il n’était pas qu’un musicien, mais aussi un plasticien, un artiste "multiste", unissant peinture, sculpture, photographie, poésie, musique. "La création, résume-t-il, est l’expression d’une énergie. Les gens reçoivent l’énergie de celui qui a réalisé une œuvre. Il existe un double trajet : de soi vers l’extérieur et de l’extérieur vers soi. Par exemple, la Louisiane préexiste à mon travail – et j’ai essayé de poser mon univers sur elle. Un univers que les gens recevront s’ils m’écoutent."
Aux sources de son multisme, CharlElie salue l’influence de Jean Cocteau, poète, dramaturge, dessinateur, cinéaste – et, bien sûr, celle d’Andy Warhol et de sa Factory : "J’avais quinze ans au moment de la Factory et de toutes ses convergences. Je me suis dit : c’est ça, être artiste." Rappelons que le premier disque de CharlElie Couture, en mai 1978, 12 chansons dans la sciure, a été réalisé dans le cadre de sa thèse d’Arts Plastiques…
Trente-huit ans plus tard, Lafayette est toujours aussi brillant. Flamboyant. Jubilatoire. L’un des tout meilleurs Couture. Enregistré à Maurice, Louisiane, près de Lafayette, dans un studio mythique, le Dockside Studio (qui a vu passer BB King, Dr John ou Taj Mahal…), ce vingtième album regroupe, autour de CharlElie, douze musiciens – la fine fleur cajun : Zachary Richard, le groupe Feufollet avec les frères Stafford, et encore les ébouriffants Lost Bayou Ramblers. Aux manettes, on retrouve son fidèle guitariste, Karim Attoumane. Et ça tourne !