La belle renaissance de Nicolas Michaux

La belle renaissance de Nicolas Michaux
Nicolas Michaux © Lara Gasparotto

Il est sans conteste l'une des plus belles découvertes de ce printemps. À 31 ans, le Belge Nicolas Michaux prend son envol en solo avec un premier disque, À la vie, à la mort, qui (ré)concilie la pop et l'écriture en français. Et si ce garçon inspiré par les années soixante avait trouvé bien plus qu'un nouveau départ…

 À moins d'être féru de rock belge, le nom de Nicolas Michaux n'évoque pas grand-chose. Méconnu pour l'instant sous son propre patronyme, le trentenaire arrive tout juste en France où son groupe, Été 67, n'avait guère marqué les esprits. Très influencée par toute la mythologie du rock psychédélique, cette formation de chanson/rock -trop- proche de Louise Attaque avait fait quelques incursions par ici jusqu'à sa séparation en 2012, sans convaincre tout à fait.  

Le temps ayant passé, il concède un "regard nuancé" sur cette aventure d'adolescence qui l'a mené sur les plus grandes scènes de Belgique. "En termes humains, je ne pouvais pas rêver mieux. J'ai vécu une histoire formidable, avec des gens formidables. Mais je suis content qu'on ait arrêté assez tôt, quand tout cela devait se terminer. Artistiquement, je n'ai pas de plaisir à réécouter nos deux albums. On était très idéalistes, on voulait faire de grandes choses. Mais j'ai l'impression qu'on s'y prenait par le mauvais bout." Pas franchement révolutionnaire, Été 67 avait pâti des compromis que les musiciens frais émoulus font à l'industrie musicale.
 
Un homme nouveau
 
C'est donc un Nicolas Michaux tout neuf qu'on rencontre en cette matinée ensoleillée du printemps, un presque papa que les années passées sur la route ont affirmé. Il ne fait aucun doute qu'alors, le Nouveau départ annoncé dans son disque est déjà bien amorcé. Repéré l'an passé aux découvertes du Printemps de Bourges (les Inouïs), où le frêle Nicolas avait représenté la Belgique, ses chansons sont arrivées jusqu'aux oreilles de Tôt ou tard, le label de Vincent Delerm, Dick Annegarn ou Mathieu Boogaerts, qui l'a signé. Si on compare beaucoup le chanteur de Liège à Boogaerts, il ne joue pas tout à fait la même partition…
 
Quand la pop française évoque souvent un mouton à trois pattes, le Belge (ré)concilie cette musique anglo-saxonne et une écriture en français toute simple. Son premier album, A la vie, à la mort, convoque Serge Gainsbourg ou de façon plus lointaine, le dernier Noir Désir. Né en 1984, le jeune Nicolas avait 16 ans quand il a vu tomber les tours du Word Trade Center depuis son lit d'hôpital ; il a aussi reçu en pleine face le choc du disque Des Visages, Des Figures paru le même jour. "Qu'est-ce qui me touche dans cet album ? On a vraiment l'impression de ne pas être pris pour des imbéciles, et c'est ce que j'ai toujours recherché dans ce que j'écoutais", se souvient-il.
 
Ce même 11 septembre 2001 est marqué musicalement par le retour en grâce de Bob Dylan avec Love & Theft, une autre pièce importante dans le jardin de Michaux. Mais plus que cela, c'est toute la musique des années 60 qui l'a infusé : les Rolling Stones, les Kinks, les Doors, le Velvet Underground... Il confie : "Je suis venu à la musique par les Beatles, clairement. Il y avait les Anthology, ces VHS qui racontaient l'histoire des Beatles depuis Liverpool, en passant par Hambourg, la Beatlesmania et cette fin sur l'album le plus parfait, Abbey Road. C'est une histoire tellement immaculée que pour les adolescents qu'on était, ça nous parlait à fond."

Enfant des logiciels crackés

Même s'il revendique le fait de produire une musique "moderne", normal que ces débuts en solo soient empreints du temps où les guitares régnaient sur le rock. "On a utilisé des bandes pour faire passer certaines boîtes à rythmes, afin de leur donner un son plus analogique, mais avec Julien Rauïs, qui m'a aidé à produire l'album, on est plutôt des enfants des logiciels crackés sur Internet", admet-il.
Enregistrées dans six maisons différentes, ces chansons sont les traces de séjours où les enregistrements en do it yourself se sont mêlés à la vie. La base du travail datait des premières errances de Nicolas Michaux, lorsqu'il partit rejoindre sa copine au Danemark dans l'après-Été 67, sans autre but que de vivre d'amour et de balades en forêt.
À la vie, à la mort et sa mélancolie dessinent donc une carte du tendre pas forcément optimisme, encore que. "We keep dancing on the wasteland / Dreaming of a new start", dit l'un des rares refrains en anglais. Danser sur les étendues de vide, rêvant de nouveaux ailleurs… En dépit de ses faux espoirs de trouver des îles désertes, d'une société d'hyperconsommation dans laquelle il ne se reconnaît pas, Nicolas Michaux signe un disque lumineux. "Les gens y verront ce qu'ils veulent, mais derrière cette démarche, il y a par petites touches, des données politiques", conclut-il.
Ou comment l'homme est capable d'une formidable résilience...


Nicolas Michaux A la vie, à la mort (Tôt ou tard) 2016
Site officiel de Nicolas Michaux
Page Facebook de Nicolas Michaux
Nicolas Michaux en concert au Point Ephémère à Paris le 24 mai 2016