Benjamin Paulin, enfant du rap

Benjamin Paulin, enfant du rap
Benjamin Paulin © Manuel Obadia Wills

Depuis ses débuts, il navigue dans le paysage musical français à mi-chemin entre la chanson pop et le hip hop, brouillant les pistes sur son passage : chantant ici, slamant là, passant de compositions pop instrumentales à un patchwork de samples… À l’heure de Meilleur espoir masculin, révélé récemment sur les plateformes, Benjamin Paulin semble finalement avoir trouvé sa place.

Avec L’homme moderne, premier disque sorti sous vrai nom, Benjamin Paulin avait été rapidement catalogué au rang des crooners de la chanson, dans la lignée d’un Jacques Dutronc. Au banc des coupables : la nonchalance swing de son titre d’introduction, Dites-le avec des flingues. Deux albums plus tard, voilà qu’il balaie d’un revers de disque toute confusion possible : Meilleur espoir masculin est bel et bien l’album de chansons d’un enfant du rap.

Grandi au temps de ses prémices post-smurf au début des années 90 – celui des premiers méfaits d’Assassin et des compilations Rap attitude – le chanteur s’était d’emblée accroché au wagon de la culture hip hop, par intérêt pour ses textes et son côté déclamé. Après avoir croisé la route de groupes comme TTC ou 113, il monte son premier groupe, Puzzle (à son actif, quelques maxi-vinyles, un album autoproduit, beaucoup de scènes), puis prend ses distances quelques années plus tard, lassé par le communautarisme ambiant dans lequel le genre commence à s’enliser après coup, notamment dans le milieu du disque. Le bouillonnement créatif à l’origine très bigarrée du rap se cloisonne, autant partir voir ailleurs si on y est.

Signe particulier du chanteur, il n’est pas musicien et sa culture s’est naturellement faite autour du sampling ; aucune barrière de style imposée dans les textures sonores ni dans la voix d’ailleurs. Après un deuxième album plus pop (Deux), Meilleur espoir masculin nous arrive ainsi mi-chanté, mi-flow, et d’un timbre plus grave, au propre comme au figuré.

Le ton est frontal, le verbe franc, sans détour autre que poétiques (Au sud de la banlieue nord), et les refrains mélodiques scandent et chantent une stratégie de l’espoir réaliste dans la chute annoncée du monde (Dansons sur le Titanic, La fin du monde a déjà eu lieu), taclant au passage une société camisole où le mensonge et l’ambition dominent (Merci mais non merci, Pousse-toi).

Paulin a l’art de maîtriser ses flèches, jusqu’à beaucoup se moquer parfois, mais avec élégance, toujours : "Si dans le ciel vous voyez des signes, pardon/Mais je ne vois que des pigeons". Aux côtés des titres les plus engagés, l’on en trouve d’autres plus intimes, qui parlent de doute, de rupture, de choix amoureux, mais aussi de la disparition du père et de la douleur du deuil (Je me déguise en toi).

Un joli tracklisting de chansons pour lequel le chanteur s’est entouré de complices issus d’univers totalement différents, de Simon Autain (au piano) à Herbie Flowers (à qui l’on doit entre autres, les basses du Melody Nelson de Gainsbourg et du Transformer de Lou Reed), pour ne citer qu’eux.

Paulin en a choisi le titre comme un étendard, où chaque terme identifiable lui ressemblerait. À la question pourquoi "Meilleur", il répondra qu’il le considère comme son meilleur projet. En attendant la suite, on ne peut qu’acquiescer. Il est particulièrement réussi.

Benjamin Paulin Meilleur Espoir Masculin (Nuun Records) 2016
Site officiel de Benjamin Paulin
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