Art Mengo et Lara Guirao à la croisée des chemins.
Huitième album studio pour lui, deuxième pour elle. Art Mengo et Lara Guirao sortent en duo Ce petit chemin, véritable œuvre commune qui chante la romance à la française et l’intemporel, l’insaisissable et la douceur d’aimer. La sortie de ce disque s’accompagne en cadeau d’un live en trio acoustique du chanteur, son premier depuis quinze ans.
Ils s’étaient croisés sur scène en 2006-2007, lorsque Lara Guirao avait présenté son premier disque, J’aime bien c’que vous faites, en première partie de la tournée Entre mes guillemets d’Art Mengo. Puis le chanteur avait invité la comédienne à dire une partie du texte de Ciao-Wiedersehen titre figurant sur son précédent album, Sujet libre. C'était les prémices d’une rencontre artistique qui déploie aujourd’hui ses ailes et gonfle ses voiles tout au long de Ce petit chemin. Treize titres que l’on s’approprie comme un diamant brut, invitent à la danse et à la rêverie.
Alors que Lara Guirao pensait préparer son deuxième album solo, avec l’idée de reprendre Ce petit chemin de Mireille, Art Mengo et Marc Estève lui proposèrent un titre, Je t’aime à la manière. Le chanteur composa ensuite la musique de Je me fais des idées, un texte que Lara avait écrit en écoutant d’ailleurs Sujet libre. Trois chansons plus tard, ce qui devait être son album se changea en véritable projet en duo.
"C’est là que j’ai percuté", confie Art Mengo. "On a des timbres tellement différents que c’en était presque surprenant que nos deux voix s’accordent. J’aimais bien aussi l’idée de partir sur quelque chose de plus solaire, plus léger, moi qui suis souvent taxé de chanteur triste. J’avais envie d’en entendre plus, j’ai été cueilli en fait. Ce petit chemin porte bien son nom. Pour une fois, je quitte les voies toutes tracées pour prendre des bretelles, m’en aller en campagne et faire quelques ballades avec Lara et sa voix."
Quand le hasard mène hors du temps.
Alors que lui n’aime a priori pas les duos, et qu’elle ne "prévoit jamais rien, et fait avec ce qui se présente", l’album se dessine, le choix des chansons s’impose. Un arc-en-ciel d’émotions, sur une jolie continuité jazz bossa. "Je crois que je n’aime que ça !", dira-t-elle. Une instrumentation acoustique, sans séquence, avec peu de machines, voire pas du tout, nous emmène ailleurs.
Le titre Kelly quelle histoire, avec sa partie de claquettes, .ouvre l'album. Un clin d’œil à Gene Kelly, à la scène des trottoirs mouillés dans Chantons sous la pluie et son parfum d’éternité. Parce que depuis l’enfance, Art Mengo la transporte tout le temps avec lui : "Pour moi, c’est l’apogée de ce qui peut se faire dans la symbolique de l’amour. En plus Nougaro avait évoqué à sa façon cette scène dans La pluie fait des claquettes." Et pour Lara, le film est "extraordinaire".
La première reprise de Mireille en amène une autre, Presque oui, une version piano-voix du texte de Jean Nohain, immortalisé par Jean Sablon en son temps, une rencontre amoureuse "presque cinématographique", comme dans les années 30. Puis ce sont les années 60, Saint-Germain-des-Près, l’évocation de Juliette Gréco sur le jeu de mots Mes habits et moi, en tenue musicale d’apparat à la Gainsbourg, alors que plus loin C’est du toujours rappelle les comédies musicales de Michel Legrand.
L'écriture et l’intime.
Les mots sont incarnés, le voyage est léger, même si les "frissons" partagés dans Le Pianiste, sur un texte de Marie Nimier et Thierry Illouz, rendent hommage au film de Roman Polanski, laissant place à la gravité dans un "seuil à ne pas dépasser".
Des mots personnels, qui prennent naissance dans l’échange, comme avec Ponte Vecchio, inspiré à Lara après un voyage à Florence : "Il y avait plein de petits cadenas. Au départ, je trouvais sympa l’idée que les gens aillent ainsi sceller leur amour. Mais à Paris, sur le Pont des Arts, ça me gâchait la vue de la Seine. On a beaucoup parlé de ce besoin de faire des choses aussi visibles pour s’attacher comme ça, alors que nos sentiments sont en fait assez volatiles."
De l’épistolaire aussi, dans la narration (Je me fais des idées) comme dans l’écriture à deux, avec la mélodique Envie d’ailleurs. Musicien plus qu’auteur, Art Mengo écrit depuis son album précédent. "Je ne pourrais pas écrire de textes pour les autres, contrairement à la musique. Mais sous forme ludique, ça me va bien. J’ai osé tomber cette armure. Avec la musique, on peut se cacher derrière les mots des autres, alors que là, on dévoile quand même quelque chose. Je me suis souvent servi des chansons pour me comprendre moi-même, donc je fais un petit peu la même chose. Enfin j’essaye. C’est marrant de faire une chanson, il ne faut pas se prendre au sérieux. C’est envoyer des petits bouts comme ça, qui sont récupérés au passage, je trouve ça magnifique;"
De la mélancolie, parce que "c’est le bonheur d’être triste", dira Art Mengo en reprenant Victor Hugo. Et des images, beaucoup. De celles qui dansent quand on est "à l’affût des signes" (Le hasard danse), ou de celles qui nous représentent et se passent de commentaires (Rideau). Avec l’envie, peut-être, qu’elles deviennent réalité : "Je pense effectivement qu’il y a beaucoup d’images qui nous viennent, conclut Lara, et puisqu’on doit rêver, moi je rêve d’avoir des images sur tous les titres, d’en faire un petit objet, ou un film qui utiliserait toutes ces chansons. Je pense qu’il y a quelque chose à faire, c’est sûr."
Art Mengo & Lara Guirao Ce petit chemin (Kabassa Prod/F2FMusic) 2012
Art Mengo Live en trio (Kabassa Prod/F2FMusic) 2012
Art Mengo et Lara Guirao en concert à l’Alhambra à Paris le 31 mars 2012.