Barbara Carlotti, au gré des vents
© François Fleury
Après Les Lys Brisés et L’Idéal, ses deux premiers albums sortis sur le label britannique 4AD, Barbara Carlotti rejoint Atmosphériques pour L'Amour, l'Argent, le Vent, un troisième opus qui porte l’empreinte de ses voyages autant que celles de l’amour, de l’argent et du vent.
RFI Musique : L’Amour, l’Argent, le Vent est, au-delà de la chanson du même nom, un titre d’album énigmatique…
Barbara Carlotti : L’amour, l’argent et le vent sont les trois choses qui m’ont le plus traversée, transportée, ou parfois écrasée pendant les trois années où j’ai fait l’album. Ces notions un peu abstraites englobaient l’idée de ce disque comme un mouvement, plus qu’une histoire racontée. Mais la chanson elle-même est une réflexion autour d’un braquage que j’ai vécu à Rio : un évènement à la fois fulgurant et hyper organisé, perpétré par des enfants. On y retrouve ce que j’y ai lu de façon intuitive, ou même sociale, toutes les choses que j’ai ressenti à partir de là. Ce qui finalement dans l’album est un peu en clair-obscur, c’est ça : ces trucs de fric, d’amour, d’envie, de désir, qui nous malmènent pas mal… De vent quoi !
Pour faire ce disque, vous avez voyagé au Brésil, mais aussi en Inde et au Japon…
Mon but était de partir m’enrichir d’autres cultures pour écrire différemment. J’avais besoin de quitter mes références et mes repères. Au Brésil, j’ai rencontré de grands musiciens sambistes qui m’ont montré plein de percussions. Dans Nuit sans lune, le sitar qu’on entend a été enregistré en Inde. On avait enregistré bien plus de choses avec les musiciens indiens, mais j’ai vraiment gardé le son du sitar, avec ses harmoniques et ses résonances que je trouve très belles. L’avenir a été composée au Japon, où j’ai appris un peu le koto et le shamisen (instruments traditionnels japonais à cordes pincées, ndlr), même si j’ai préféré cette espèce de harpe plate qu’est le koto. La musique japonaise fonctionne sur des modes, pas du tout sur des harmonies comme on en a l’habitude. J’avais vraiment envie d’écrire sur un instrument qui n’était pas occidental : cela a donné cette chanson un peu évanescente et onirique, marquée par une vision de la lune qui reste une image très poétique de mon voyage à Tokyo.
L’album est moins folk que vos disques précédents, avec deux directions musicales, l’une plus symphonique, l’autre plus électro. Pourquoi ce choix ?
Il y avait une volonté de densité dans la musique que je voulais avoir sur scène : j’avais besoin de quelque chose de plus fort pour me soutenir, y compris rythmiquement. Il y a beaucoup de claviers sur le disque, beaucoup de mellotron avec des sons de cordes, de flûte, qui donnent une dimension plus symphonique. Lors des sessions d’arrangements avec les musiciens, il y avait ce réel plaisir d’être dans le son, alors que le côté électro m’est venu d’une forme d’émancipation et d’un besoin de faire des choses plus expérimentales. Mes premiers émois musicaux correspondent aux années 80 : j’écoutais Daho, mais aussi The Cure, Depeche Mode, ou même Lio. C’était des sons de clavier particuliers, le début de l’électronique... Toute la musique de la fin des années 70, Kraftwerk etc., commençait à se propager. J’étais sensible à ça sans avoir jamais effectué ce retour aux sources, mais j’ai grandi avec cette musique là. Quatorze ans est un titre en hommage à ça, par jeu aussi, c’était revenir un peu en enfance !
Ouais ouais ouais ouais raconte de façon très cinématographique la lolita d’aujourd’hui…
Cette chanson est inspirée d’un chapitre de Rose poussière de Jean-Jacques Schuhl, dont le titre contient un « ouais » de plus d’ailleurs ! Dans le livre il est encadré de deux chapitres sur Zouzou, à la fois chanteuse, actrice et modèle dans les années 60. Elle avait cette figure de jeune lolita, belle mais un peu maltraitée. Après être beaucoup sortie ces dernières années, j’ai remarqué que la nuit on rencontrait réellement ces personnages et qu’il y avait toujours à leur endroit un mépris étrange. Comme elles sont désirables, on suspecte les jeunes femmes un peu trop jolies d’être superficielles. Il y a quelque chose de très cinématographique dans leur présence. C’est une forme de digression autour de cette histoire-là que j’avais envie de raconter.
Comment est né le duo écrit à quatre mains avec Philippe Katerine, que vous retrouvez quatre ans après le projet Imbécile ?
On s’est rencontrés en 2006, à l’époque de mon premier album, lors d’un de mes concerts à Rennes. Je l’avais vu faire un exercice pas du tout "Philippe Katerine" avec François Ripoche. Philippe y racontait des histoires, et chantait des chansons avec une voix de crooner ! On s’est recroisés plein de fois et on a décidé d’écrire une chanson ensemble. Je trouve les mélodies de son dernier album magnifiques. Il me fascine réellement, et il est extrêmement drôle et intelligent. Comme il a une image très forte de trublion un peu dada, on en oublie souvent d’écouter sa musique, et c’est vraiment un super musicien ! J’avais envie de composer avec lui, et mon idée était d’aller plutôt vers le chanteur, sans mousse autour. Lui veut absolument que je chante de la grande variété française, c’est son truc ! Avec Mon Dieu Mon Amour, je crois qu’on a fait une grande chanson de variété tous les deux !
Barbara Carlotti, L’Amour, l’Argent, le Vent (Atmosphériques) 2012
En concert le 28 avril au Printemps de Bourges, le 18 octobre à La Cigale à Paris
Site officiel de Barbara Carlotti
Par : Marie-Catherine Mardi
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