La Grande Sophie, le reflet dans le miroir

La Grande Sophie, le reflet dans le miroir
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La Grande Sophie revient avec un sixième album mi-acoustique mi-pop synthétique, La Place du fantôme. Un moment d’introspection pour adoucir les épreuves et les attentes de la vie, et sucrer les fruits du temps qui passe. Entretien.

RFI Musique : La Place du fantôme est un album à la fois très pop mais aussi acoustique, encore différent des précédents…
La Grande Sophie : J’aime les mélodies et les envolées mélodiques, et le thème de l’album est beaucoup plus mélancolique. Mais j’avais envie de gimmicks, comme avec Dans ton royaume, aussi bien que d’une chanson comme Suzanne, qui reste très brute… C’est des petits mélanges subtils, avec des sons de terre et de mine. 

Quelles ont été les influences de la nouvelle équipe avec laquelle vous avez travaillé ?
J’avais donné une couleur à mes chansons  en y mettant des touches de basse synthétique. Je voulais aller plus loin dans ces sons-là, mélanger l’organique avec le chaud et le froid. Avec Vincent Taeger, Vincent Taurelle et Ludovic Bruni*, on a beaucoup travaillé et peaufiné, y compris en live. Il n’y a que dix titres parce que je voulais qu’on en prenne soin, et qu’il y ait également une largeur dans le son. Le studio est un endroit assez oppressant, car on sait que tout ce qu’on va y fixer va exister à vie… Moi,  ça me colle une pression pas possible ! J’y suis un peu comme une bête sauvage, mais eux ont su m’apprivoiser et m’amener dans leur univers.
 
Un univers où vous laissez plus de place à votre voix…
Au début, comme je ne me sens pas sereine en studio, je ne voulais pas y faire mes voix. Travailler avec eux m’a amenée à lâcher un peu prise, à moins maîtriser les choses. J’ai par exemple assumé totalement le fait de chanter avec une voix de tête, comme dans Bye Bye. Au départ, la chanson était un petit peu cabaret, avec une voix très grave. Puis j’ai commencé à basculer et à rebondir sur leurs propositions. Il y a ce gros son de clavier Moog que j’adore, et la voix est devenue fantomatique…
 
Justement, en quels fantômes croyez-vous ?
Je crois aux fantômes, il y a des présences qui existent. Mais je crois aux fantômes que je crée aussi. J’ai remarqué que les maux et les obsessions savent toujours où se nicher en nous. Pour pouvoir les dépasser, j’avais envie de trouver des solutions au fond de moi. Alors j’ai remis le doigt sur toutes ces obsessions, et j’ai eu besoin de me créer des personnages, comme Suzanne par exemple. Cet album parle aussi d’un moment de ma vie plus douloureux, et Suzanne est vraiment une compagne, ça a été mon épaule. Je sens que j’ai su dépasser une épreuve seule, mais aussi avec toutes ces voix que j’ai créées.
 
Le disque est un point d’équilibre entre les grands espaces et l’intime ?
Les grands espaces, c’est ce que j’ai voulu donner à travers le son, mais les mots choisis sont les plus précis et les plus justes par rapport à un moment donné. C’est un petit peu ma façon de respirer et de me délester de certaines choses. Dans ces grands espaces, je viens déposer des espèces de bornes. C’est un bilan et un reflet. C’est aussi des ruptures. Cet album est un marque-temps de toute façon.
 
Vous consacrez une chanson à votre radio. L’écoutez-vous si souvent que ça ?
Tout le temps ! Elle peut m’arrêter dans mon quotidien, me faire réagir… Au-delà d’une voix de compagnie, j’aime cette place qui est laissée à l’imaginaire. Les gens qui écoutent mes chansons doivent pouvoir voyager de leur côté, je ne veux pas leur imposer mon histoire. Je sais que chacun va faire la sienne, en prenant un mot, une phrase. Dans la radio, c’est pareil. Quand on entend une voix, l’imagination se déroule, on pense à plein de choses. La voix n’est pas comme une photo qu’on peut trafiquer, sinon ça s’entend. Il y a une vérité, c’est ce qui représente le plus une personne je trouve. Ma radio est aussi importante par rapport au thème de l’album, parce que j’y aborde une facette de mon caractère : la solitude. J’ai cette façon de fonctionner très solitaire, et puis après j’ai envie de partager avec les autres.
 
Entre deux albums, vous avez d’ailleurs écrit vos premiers titrespour les autres : Mister pour Françoise Hardy et Personne pour Sylvie Vartan. Cela vous a-t-il donné envie de renouveler l’expérience ?
C’était énorme ! Ce sont des artistes qui représentent les sixties mais continuent d’évoluer, et dont je suis les carrières. Puis ce sont des femmes ! Sylvie Vartan, c’était mon premier 33T quand j’étais gamine, j’adorais l’écouter, je la voyais de façon très cinématographique. J’ai pensé à lui écrire Personne, et j’étais super contente qu’elle soit séduite par mon écriture. Pour Françoise Hardy, je suis très admirative de sa voix, qui est hypnotisante. On dirait qu’elle ne chante que pour nous, qu’elle ne s’adresse qu’à une personne. Sa façon d’interpréter les choses vous saisit tout de suite. Et je me reconnais dans sa mélancolie. Je n’avais jamais imaginé pouvoir écrire un jour pour l’une ou l’autre ! C’était des belles surprises, la vie m’en réservera peut-être d’autres, mais je ne sais pas lesquelles pour le moment.
 
* musiciens-réalisateurs membres du Sacre du Tympan ou de Poni Hoax
 
La Grande Sophie La Place du fantôme (Polydor) 2012
En tournée en France. En concert du 12 au 14 mars 2012 au Café de la Danse.

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