Isabelle Boulay – Montréal, Nashville, Paris.

Isabelle Boulay –  Montréal, Nashville, Paris.
© Maxyme-G.-Delisle

Les Grands Espaces qu’Isabelle Boulay a traversé sont jalonnés de souvenirs d’enfance et de vie, de son éducation à ses voyages. Ils ont la couleur de l’automne, de la solitude ou de l’intimité amoureuse, du Québec à Paris, dans un album country qui rassemble à parts égales chansons originales et reprises, l’émotion en ligne d’horizon.

RFI Musique : Les Grands Espaces est votre deuxième disque folk, après De retour à la source, sorti au Québec en 2007. D’où vient votre lien à la musique country ?
Isabelle Boulay : De mon enfance. J’ai grandi dans un restaurant et un bar où des musiciens venaient répéter avant de jouer leur country music le soir. J’étais souvent couchée dans mon landau auprès de ma grand-mère maternelle et de ma tante Adrienne, bercée par la musique country. Ma mère, elle, écoutait Bécaud, Piaf, et les Québécois ! J’ai vraiment été élevée à la fois dans la grande chanson de variété française et dans la grande chanson réaliste qu’est, pour nous les Nord-Américains, la chanson country.

Aviez-vous envie d’en faire depuis longtemps ?
Oui. J’ai chanté ça jusqu’à l’adolescence, avant d’écouter la musique de mon âge, punk, heavy-metal… tous les genres musicaux ! Puis la country est revenue comme un esprit qui me hantait. Sur l’album j’ai repris At last, d’Etta James. J’ai eu une révélation quand je l’ai vue en spectacle il y a six ans au festival de jazz de Montréal. Juste en la regardant, dans toute sa splendeur, et tellement intègre. Comme si elle m’avait dit que je n’avais pas le droit d’attendre plus longtemps avant de faire ce dont j’avais envie.

Vous partagez avec Dolly Parton, la "Reine" de la country music, sa chanson True blue !
C’est grâce à Gary Pacsoza, un ingénieur du son avec qui je travaillais. Lorsque je suis partie à Nashville, c’était bouleversant de me retrouver là. Je viens d’un tout petit village de la Gaspésie et je chantais avec l’idole de toute ma famille, une légende ! Dolly Parton est une grande songwriter. Quand j’étais enfant, ma grand-mère regardait la télé pour voir le pape, les informations et Dolly Parton ! Elle avait beaucoup d’ascendant sur les femmes de ma famille. Elle représentait justement la musique country, qui est pour moi le triomphe de la dignité humaine sur les aléas de l’existence. C’est sûrement pour ça que ma grand-mère l’admirait autant. C’est une femme qui vient d’un milieu très modeste et qui a réussi au-delà de toute mesure.

Votre choix de reprendre Jolie Louise, de Daniel Lanois, est aussi lié à votre histoire familiale ?
C’était l’une des chansons préférées de mon père. Je pense qu’il l’aimait parce qu’elle lui rappelait ses années d’exil, quand il travaillait dans les chantiers de foresterie. Ça a été aussi l’histoire de beaucoup d’hommes qui venaient dans le restaurant de mes parents boire leur chagrin. Cette chanson me parle de ces hommes-là, qui ont connu la solitude, qui parfois revenaient mais perdaient leur fiancée au détour d’un départ ou d’une arrivée.

Il y a d’ailleurs beaucoup de départs dans ces Grands Espaces
Michel Rivard et Eve Déziel ont écrit Partir au loin d’après mon histoire de petite fille qui partirait un jour, car c’est comme si ma grand-mère paternelle m’avait conditionnée à ne pas faire comme eux. Et j’ai eu un vrai coup de foudre pour Voyager léger d’Hubert Mounier, qui est très intime. J’ai demandé Les Grands Espaces (qui donne son nom à l’album ndlr) à Steve Marin, qui est la seule personne à qui je fais des commandes de chansons. On a vécu le même genre d’enfance, je me sentais proche de sa réalité et lui ai dit que je voulais faire un album dans lequel on sente l’espace du rêve mais aussi celui du cœur, avec une chanson qui évoque ces deux pôles.

C’est la quatrième fois que vous travaillez avec Benjamin Biolay, qu’est-ce qui a changé pour cet album là ?
La seule belle différence est qu’on a été enfin seuls ! A décider du répertoire, à choisir les musiciens, on a vraiment imaginé le disque ensemble. Après il en a été le grand alchimiste et a dirigé tout le monde. Il s’est beaucoup investi : direction artistique, réalisation, arrangements. Il a joué sur l’album, écrit des cordes. Puis il a écrit Voulez-vous l’amour et partagé la reprise de Summer Wine avec moi.

On retrouve d’autres artistes de variété française, avec l’inédite Amour aime aussi nous voir tomber, écrite pour vous par Jean-Louis Murat, et votre interprétation d’une chanson de Julien Clerc.
Murat avait déjà écrit sur mon précédent album, Les Lendemains. Sa chanson est un peu lascive, très érotique. Lui et Benjamin Biolay ont une sensibilité assez exacerbée, leur écriture est presque féminine. Quant aux chansons de Julien Clerc et Etienne Roda-Gil, elles sont comme du sur-mesure, tellement évocatrices qu’elles peuvent appartenir à plein de monde. Souffrir par toi n’est pas souffrir est une chanson sur ce qu’on connaît de l’amour et ce qu’on en espère encore ! Pour moi la variété grand luxe est une variété d’un autre temps, mais il y a des gens comme Murat, Julien Clerc ou Benjamin Biolay qui la font perdurer.

Site d'Isabelle Boulay

Isabelle Boulay Les Grands Espaces (Polydor) 2011

En tournée. Au Casino de Paris du 1er au 4 décembre 2011