Les lettres folk de Claire Denamur

Les lettres folk de Claire Denamur
© jan welters

Deux ans après un premier album gravitant essentiellement autour de ses amours passées, Claire Denamur Vagabonde, en onze titres doux-amers, entre folk américaine et chanson française. Une des plus belles surprises de cette rentrée musicale.

De son enfance à New York, Claire Denamur a gardé dans ses valises la musique rock, folk et blues trouvée dans les disques de son père : Crosby, Stills and Nash, Neil Young, Elvis Presley, America… C’est là qu’elle commence à jouer de la guitare et prend goût à la scène, par le biais du théâtre notamment : "C’est l’un des rares endroits au monde où je me sens bien." Comme souvent, le premier chagrin d’amour donne naissance à la première chanson. D’autres suivront.

De retour en France, entre Bordeaux et Paris, elle crée son site MySpace afin de rencontrer d’autres musiciens. Son manager actuel la découvre sur la toile et la pousse à faire des maquettes. Elle enregistre son premier album, qui sort en 2009 et "réunit des chansons écrites sur douze ans de relations, amoureuses, familiales aussi". S’en suit une tournée en tant qu’"anonyme totale", avec presque 250 dates en trois ans.

Et c’est sur la route que Claire Denamur trouvera l’inspiration pour Vagabonde. "Le fait d’avoir parcouru autant de villes, d’y avoir rencontré des personnes différentes et découvert la société en dehors de Paris, Bordeaux ou New York, m’a fait comprendre beaucoup de choses à l’échelle sociale, et j’ai pris le parti d’être dans la contestation et la dénonciation de ce qui me gêne."

Vagabonde d’un autre temps

Car l’individualisme ambiant de la société actuelle crée le malaise. "J’entends les gens parler, avec dans leurs discours, des mots qui font partie d’un lexique d’une société de consommation. Parfois les hommes me paraissent plus heureux dans des pays dénués de moyens. Il y a une grande valeur à ces choses-là. Cela rejoint notre tendre enfance : moins on en savait, plus on était heureux !"

On retrouve sa réflexion sur l’enfance dans Rien de moi, qui en plus d’ouvrir l’album en a été le point de départ : une chanson sur l’adolescente qu’elle était, adolescence qu’elle a perdu et qu’elle "regrette beaucoup". "Je m’étais curieusement mieux trouvée très jeune, j’étais beaucoup plus sûre de moi qu’aujourd’hui !"

A mesure que le temps passe, Claire Denamur regarde avec nostalgie derrière elle. "Je viens d’un peu nulle part/ Tombée au hasard/Au milieu des fous", chante-t-elle dans Un autre monde. Dans Le temps passé, elle exprime presque malgré elle sa peur de vieillir : "L’excuse est d’avoir imaginé quelqu’un d’âgé, qui regarde le temps passer trop vite, le regret d’une jeunesse, d’un climax, d’une fraîcheur, le manque de ceux qu’on a perdu."

Qu’on est loin des chansons d’amour, de la gouaille du premier album, et de ses textes au premier degré ! "J’ai tendance à écrire en anglais puis à traduire en français. Cela me donne une plume que tout le monde n’aime pas. En France, quand on écrit bien, on a quatre lectures différentes possibles dans une seule phrase ! Je trouve ça magnifique, mais extrêmement angoissant de mon point de vue."

L’éclaircie après la pluie

Cette difficulté à écrire en français s’estompe en collaborant avec Da Silva : "Il a apporté une touche plus littéraire et m’a permis de traduire ce que j’avais parfois du mal à exprimer en français. Nos conversations sur cette société à laquelle on a tant de choses à reprocher ont donné naissance à plein de belles choses."

Parmi ces titres, l’on trouve 34 septembre, cette date qui ne se situe nulle part, décrit l’angoisse des nuits blanches, la peur de ne pas être à sa place, le besoin de baigner dans la mélancolie pour mieux toucher le fond, et s’en relever plus fort. Ou bien encore Bang Bang Bang, l’une des chansons les plus contestataires de l’album, la plus pétillante aussi. "J’ai besoin de chaos pour nourrir l’optimisme, la création vient souvent plus de la souffrance et de la désorganisation que de la sérénité totale !"

Si "Des hommes bâtissent des hommes/Au cœur de pierre" dans Le ciel avec son vol plané rock progressif au-dessus d’un monde en perdition, c’est bien à la terre ferme et à ses grands espaces que Vagabonde nous ramène, avec ses errances et sa musique nord-américaine. Les cuivres de Rien à foutre en l’air, chanson d’amour interprétée en duo avec Da Silva, rappellent les sonorités de l’Arizona chère à Calexico, tandis que Tu m’as tuée joue la carte de la musique de western et que Together (écrite par Laurent Denamur, le frère de Claire) prend ses marques du côté du blues.

Malgré les doutes et la mélancolie que Claire Denamur refuse de chasser parfois, la lumière filtre à travers les volets de Vagabonde, ses histoires de vie et son âme bleue. Profond et musical, on l’écoute en boucle sans même s’en rendre compte.

Claire Denamur Vagabonde (EMI) 2011
En concert au Café de la Danse à Paris le 20 octobre 2011