Le règne pop de Tahiti 80

Le règne pop de Tahiti 80
Tahiti 80 © DR

Après trois albums créés en autarcie, Tahiti 80 a fait appel à un producteur américain pour son sixième opus. Conçu dans l'Oregon, Ballroom est sombre, sexy et dansant. Il prouve la maîtrise des mélodies pop par ce groupe français plébiscité au Japon.

Quinze années que Tahiti 80 cisèle ses chansons pop. Une longévité que doivent lui envier aujourd'hui beaucoup de jeunes groupes de musique français. Xavier Boyer, le chanteur de Tahiti 80 est lucide : "Trop de succès ou aucun succès peuvent tuer un groupe. Nous en avons suffisamment pour vivre de notre musique. C'est notre succès au Japon qui nous permet de faire ce que nous voulons et de ne pas tomber dans quelque chose de commercial."

Nul n'est prophète en son pays, le groupe le regrette toujours un peu. La France ne lui réserve pas le même accueil enthousiaste que le pays du Soleil levant. Radio, télévision, concerts… les Français y ont leurs inconditionnels depuis leurs débuts. La Grande-Bretagne et les États-Unis les ont aussi rapidement adoptés.
 
E-mails
 
Tahiti 80 a commencé sa carrière dans une période faste pour la musique, avec un premier album, Puzzle, paru en 1999, avant la crise du disque. Le groupe a bénéficié d'un apprentissage assez unique, avec producteur, directeur artistique et studios d'enregistrement cinq étoiles. Ils créent même leur propre studio, le Tahitilab, où sera enregistré leur troisième album, Fosbury, publié en 2005. Ils ont également lancé leur label, après un passage difficile chez Universal Music. Des conditions que les groupes actuels ne connaissent pas, à l'heure du home studio et de l'autoproduction.
 
Pour ce cinquième opus, Tahiti 80 a néanmoins travaillé comme beaucoup d'autres : à la maison et par e-mail. Les cinq membres ne vivant désormais plus tous à Rouen, en Normandie, Xavier Boyer a composé des chansons, en a enregistré des démos (des maquettes) avant que chacun n'y pose sa patte. Comme pour leur premier album, ils ont ensuite fait appel à un regard extérieur, étranger. Ici, c'est Richard Swift, compositeur et musicien américain, qui a été convié. On le connaît aux côtés des Black Keys, Foxygen, Shins…
 
Xavier explique : "Écriture, composition et arrangements ont été réalisés en France. Nous avons envoyé nos chansons à Richard Swift, qui souhaitait 'des choses sombres et sexy'. Nous lisions ces mails entre les lignes, un peu comme une sorte d'oracle." L'accueil du précédent album, The Past, the Present & the Possible, avait un peu déçu le groupe. "Les gens n'ont peut-être pas saisi ce que nous voulions dire. Nous étions allés dans trop de directions. Nous avons donc décidé de ne pas nous focaliser sur des détails. Richard Swift nous a permis d'avoir une vision d'ensemble, de prendre du recul et d'être davantage dans le ressenti."
 
Fil conducteur
 
Avec 35 chansons dans leurs bagages, les cinq Français ont rejoint le producteur Richard Swift dans un village de l'Oregon aux États-Unis, pour y enregistrer durant deux semaines, les voix et les arrangements, dans son studio installé dans un garage. Dix-huit titres y sont nés, dix ont été retenus, laissant présager la sortie de quelques chansons supplémentaires. La tentation était grande d'ajouter plein d'instruments ou d'effets, mais le groupe a préféré aller vers l'épure.
 
Côté musique, les claviers analogiques, type Moog, rendent cet album assez intemporel, difficile à dater précisément. Les rythmes sont plus dansants qu'à l'accoutumée, les lignes de basse très travaillées, mais l'ensemble est effectivement assez sombre. Les textes parlent d'amour, de rupture et de musique, comme sur Missing, qui évoque les disques qui accompagnent parfois nos vies.
Tahiti 80 navigue de la pop classique et aérienne (Crush, TDK) à des chansons plus électro (Roberr), dans un univers plus homogène que celui du précédent opus. Le groupe désigne des albums comme Pet Sounds des Beach Boys ou Screamadelica de Primal Scream, pour illustrer ce fil conducteur.
 
Depuis la rencontre de Xavier Boyer et Pedro Resende à Rouen, en 1993, puis la création de Tahiti 80 dans sa forme actuelle, avec Médéric Gontier, Sylvain Marchand et Raphaël Léger, les musiciens ont toujours des choses à écrire et des mélodies à fixer dans nos esprits. La pop est leur langage, universel.
 
Tahiti 80 Ballroom (Human Sounds) 2014
Site officiel de Tahiti 80
Page Facebook de Tahiti 80

Tahiti 80 en concert le 21 novembre à La Maroquinerie