Le village global de Goldenberg & Schmuyle

Le village global de Goldenberg & Schmuyle
Goldenberg & Schmuyle © S. Bailby

Élaborée sur les bords de la Méditerranée, la recette musicale de Goldenberg & Schmuyle est à base d’électro et d’instruments traditionnels, le tout servi durant les concerts par une autre dimension, celle de la vidéo. Le trio sort son premier album, dont le titre est un symbole typographique : &.

“Jah Pinpin et Richard Bernet ne se sont jamais rencontrés mais ils ont adoré jouer ensemble”. Derrière les mots que Big Buddha prononce en public sur un ton déclamatoire, avec une forme de solennité dont l’effet s’ajoute à celui de sa formule au parfum d’oxymore, il y a en résumé l’idée phare qui a prévalu sur le premier album de Goldenberg & Schmuyle. S’il est fréquent que les musiciens intervenant sur un même disque ne se croisent pas en studio mais s’y succèdent, faire dialoguer – sans qu’ils le sachent – des instrumentistes résidant à dix mille kilomètres l’un de l’autre n’est pas qu’un simple prolongement de cette démarche rendue techniquement possible.

D’autant que, sur l’écran installé sur la scène du théâtre parisien où le groupe se produit en ce mois d’octobre, les images du saxophoniste réunionnais en train de souffler et celles du Marseillais pinçant les cordes de sa dotara s’emboîtent pour former un puzzle qui n’a rien d’artificiel. On pense à Playing For Change, ce projet destiné à promouvoir la paix qui s’est fait une spécialité de réunir des artistes de chaque continent et d’horizons musicaux divers, filmés dans leurs pays respectifs, pour interpréter collectivement des succès internationaux et montrer ainsi qu’il est possible de briser bien des barrières.
 
Un "chant" des possibles
 
En voyant Big Buddha et Laurent Pernice accompagner, au micro pour l’un et aux machines pour l’autre, la projection vidéo de leur acolyte Champione, on pense aussi aux lives de Christophe Chassol, ce pianiste français qui construit, autour de ses voyages édités en courts ou moyens métrages, une B.O. qu’il délivre à chaque concert. Avec en commun, en outre, un goût prononcé pour l’Inde, puisque Goldenberg & Schmuyle ont aussi eu récemment l’occasion de travailler avec les frères Kawa, originaires du Rajahstan.
 
Entre l’électro et les musiques traditionnelles, la relation qu’ils explorent, qu'ils cultivent, montre que le champ des possibles n’est pas aussi fini que l’on a tendance à l’imaginer, dans un monde où le formatage s’est largement imposé. “Aujourd’hui, on peut vivre avec les deux. Je ne veux pas condamner l’une ou l’autre”, estime Big Buddha, qui considère ce mariage comme une façon d’être totalement actuel. Se définissant comme “spécialiste de rien, curieux de tout”, il a apporté sa culture musicale sans frontière qu’il exploitait déjà en tant que de deejay, et qui est elle-même nourrie par les activités journalistiques de l’intéressé, sous le nom de Squaaly (entre autres pour RFI Musique).
 
Cosmopolitisme
 
Si le chant diphonique mongol ne le heurte pas et lui semble tout aussi familier que le tube de Sheila qu’il a pu apprécier dans son enfance, la raison est simple : “J'ai grandi rue des Pyrénées à Paris, quasiment à l’angle de la rue de Belleville, et forcément, me baladant beaucoup dans le quartier, j’ai entendu toutes les musiques du Maghreb, d’Orient, sans les écouter, quand je passais près d'un café, d'une boutique, ou d’une fenêtre ouverte”, analyse celui qui est devenu marseillais depuis plusieurs décennies.
 
La cité phocéenne, capitale du métissage et du cosmopolitisme, compte parmi les facteurs qui ont influé sur Goldenberg & Schmuyle. Ceux qu’ils auraient pu aller filmer et enregistrer à l’autre bout de la planète parce qu’ils en sont originaires et en ont conservé les traditions musicales étaient sur place. “A Marseille, le monde se regarde droit dans les yeux des Marseillais”, comme Big Buddha aime le dire aux spectateurs, tout en admettant aussi que cette ville des bords de la Méditerranée leur a “donné le temps” de développer leur concept, sans pression particulière. Rien, à vrai dire, ne s’est fait dans le calcul pour ce groupe qui n’avait pas franchement prévu d’en être un et encore moins de se distinguer à travers un album. Une succession de circonstances, de hasards, de “pourquoi pas ?” plutôt.
 
Lorsque Squaaly/Big Buddha rencontre le producteur électro Laurent Pernice il y a une quinzaine d’années, ils comprennent tout de suite qu’ils sont sur la même longueur d’ondes. En studio, ils essaient, s’amusent. Puisque ça fonctionne, ils décident de continuer, de donner forme à des titres. La matière est là, autant l’utiliser. Les protagonistes répondent à une proposition de live et, du coup, se disent que leurs morceaux instrumentaux gagneraient à avoir des paroles. La plume de Squaaly, agile, loufoque voire absurde, “gainsbarrienne” dans l’âme, se met au service de la musique. Un texte, puis un autre, au total une dizaine voient le jour, réunis sur le premier album baptisé sobrement &, symbole typographique qui reflète cette volonté de faire lien.
 
Goldenberg & Schmuyle, & (A Son Rythme) 2014
Site officiel de Goldenberg & Schmuyle
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