Tom Fire, musique réelle pour personnage imaginaire

Tom Fire, musique réelle pour personnage imaginaire
Tom Fire © D. Sagnier

Qui a dit que ne pas chanter, ni être DJ, pouvait être un obstacle au développement d’une carrière ? Surement pas le Français Tom Fire, musicien et producteur, dont le deuxième album Low Fidelity est à l’image de ses influences à la fois électro, hip hop, avec une touche de reggae, et des voix qui le servent, comme celles de Melissa Laveaux, Winston McAnuff ou Flavia Coehlo.

Ce n’était pas prévu. Il y a quelques semaines, le nom de Tom Fire s’est retrouvé dans la playlist d’une station de radio qui fait figure de poids lourds sur le marché de la musique en France. En cause ? Le titre Take a Walk, à paraître sur son nouvel album Low Fidelity et interprété par Soom T, chanteuse écossaise d’origine indienne.

Derrière ses lunettes de soleil et devant son café, le musicien s’en réjouit. S’il tient tout de suite à préciser qu’il n’y a aucune raison que cela modifie, à l’avenir, sa façon de voir ou faire les choses, le propos se veut lucide : "Même quand tu fais de la musique anti-tout, tu es obligé d’être formaté, pour être écouté."

Dans les lecteurs audio des ordinateurs, son premier album The Revenge, en 2011, était catalogué "alternatif". Le suivant, commercialisé ces jours-ci, est affublé du terme "électro". Pourtant, "c’est vraiment la suite. Il n’y a pas de changement de style, pas de cassure. Toujours le même mélange de musiques. Et comme j’en écoute beaucoup, j’ai envie d’en mettre beaucoup", explique leur géniteur.

Avait-il quand même plus d’assurance sur ce nouveau projet ? "Dans le côté technique, oui, mais tout le monde s’en fout. En revanche, pour les morceaux, c’est le contraire. Tu ne sais pas comment ta musique est perçue et tu es plus attendu", confie celui qui se définit lui-même comme un "geek de studio", passant ses journées entières –quand il n’est pas en tournée – avec ses machines.

Il sait les vertus de la spontanéité et de la simplicité, qui servent souvent de matière première à ses morceaux, mais ne peut s’empêcher de chercher à "s’approcher le plus de la perfection, que tout soit à sa place. S’il reste des petites erreurs, c’est bien aussi. C’est humain. Quand tu travailles trop un titre, il y a un moment où il commence à perdre son essence et à devenir de moins en moins bon".

Comme il ne prend "pas vraiment de plaisir" à faire entendre sa voix dans un micro, il a de nouveau présenté ses compositions à quelques artistes qu’il avait en tête. "Souvent, quand tu bosses en studio, on t’impose un chanteur. Là, je les ai choisis". On retrouve la Brésilienne de Paris, Flavia Coehlo, "une super copine", déjà invitée il y a quatre ans et dont le second album Mundo Meu, en 2014, a été mixé par… Tom Fire.

Il y a aussi la Canadienne Melissa Laveaux, avec laquelle les liens sont anciens, recroisée en 2013 au festival Sakifo à La Réunion, au bord de la plage, "l’endroit idéal pour proposer un featuring à quelqu’un". Ou encore le Jamaïcain Winston McAnuff, à qui il a aussi apporté son savoir-faire sur l’album A New Day avec l’accordéoniste français Fixi. Le Jamaïcain, dont le fils Mathew – assassiné en 2012 – avait participé à The Revenge, est venu frapper à la porte de l’antre de Tom Fire en pleine nuit. L’instrumental qu’il a entendu lui a plu, et il n’est pas reparti avant d’avoir enregistré la chanson Take a Walk.
Le Français, natif d’Angers et parisien d’adoption depuis qu’il a 18 ans, aime ce fonctionnement, cette "bande de potes", qui gravite notamment autour du label Chapter Two, sur lequel sort son album et avec qui il partage une certaine idée de la musique. La preuve, il a mixé les albums de Soviet Suprem, Zoufris Maracas, McAnuff & Fixi, tous réunis dans la même structure.
Un certain éclectisme

Dans son approche, il y a une forme d'éclectisme. Logique, au regard de son parcours. "À la maison, il y avait très peu de disques. Mais des milliers de partitions, que mes parents lisaient", explique ce fils de musiciens classiques, qui va écouter ses parents jouer presque chaque semaine.
Les cours au conservatoire démarrent à cinq ans. Il ira jusqu’au bout du cursus. Piano puis contrebasse. Entretemps, son père a acheté un Attari à la fin des années 80 et le garçon découvre les premiers séquenceurs, puis s’initie à la MAO à l’adolescence alors qu’il suit des cours de jazz. Et écoute la première cassette qu’il s’achète : Raising Hell, du groupe américain Run DMC, pionnier du rap.
Après quelques concerts avec des orchestres classiques ou de jazz, il comprend que sa voie est ailleurs en étant embarqué sur la tournée internationale d’une chanteuse. "De la chanson française. De qualité", se borne-t-il à préciser, pour ne pas modifier l’image qu’il souhaite donner de Tom Fire, le "personnage imaginaire", qu’il s’est créé, "pour sortir de la vie de tous les jours". Camille Ballon, aussi appelé K-mille, qui a travaillé avec Liane Foly ou Enzo Enzo, avoue aussi avoir d’autres pseudos sous lesquels il lui est arrivé de sortir des disques, pour tenter d’autres styles de musique. "J’aime bien l’idée du tout : un artiste est un personnage qui a son univers. Et il y a des choses incompatibles", justifie-t-il. Avec Tom Fire, il montre qu’il sait faire preuve de cohérence.
Tom Fire Low Fidelity (Chapter Two / Wagram) 2015
Site officiel de Tom Fire
Page facebook de Tom Fire

A écouter : la session live avec Tom Fire dans La Bande Passante (22/09/2015)
                    la session live avec Tom Fire dans Musique du Monde (05/09/2015)