Emilie Simon

Emilie Simon

Franky Knight donne son nom au cinquième album d'Emilie Simon. Celui-ci fait suite au brillant The Big Machine dans une ambiance de trêve : au repos les instruments électro, et voici de belles mélodies façonnées aux instruments organiques qui rendent un hommage vibrant à Francois Chevalier, compagnon de la chanteuse disparu en 2009. Un album qui sert aussi de BO au film La Délicatesse des frères Foenkinos.

Emilie Simon joue avec nos émotions sans tomber dans le pathos. Déjà, La Marche de l'empereur avait tiré les larmes des yeux des plus sensibles amateurs de musique electropop et de beaux films animaliers. Le mélange film et musique était magique. Cette fois, Emilie se propulse artistiquement dans un univers intime où l'émotion est à fleur de peau.

Franky Knight est un exercice d'hommage à quelqu'un de très cher et disparu brutalement, son compagnon et producteur Francois Chevalier. Comme une funambule, l'artiste n'exprime plus ses prouesses dans un magma electro-rock génialement produit mais évolue pas à pas sur un fil musical léger et fragile à la fois.

Exprimer son amour dans un lot de chansons plus organiques, avec voix mixée assez haut, est une gageure mais la mémoire du musicien semble inspirer à la fois musicalement et poétiquement l'écriture d'Emilie Simon. Ce cinquième album a été composé dans un contexte particulier car David Foenkinos et son frère Stéphane, réalisateurs du film La Délicatesse (adapté du livre de Stéphane) ont proposé à Emilie de composer la bande originale.
 
Quelques échanges fructueux d'idées, d'images et de sons ont suffi à convaincre tout le monde. A la vue du vidéoclip de Mon Chevalier fait à partir du film, on note une approche positive et sensible sur une histoire malgré tout tragique. Audrey Tautou joue un rôle de jeune veuve inconsolable qui finit par reprendre contact avec un homme. Cette analogie entre l'histoire personnelle d'Emilie Simon et l'histoire de David Foenkinos a eu pour effet de proposer une musique s'approchant le plus justement du cœur de l'histoire du film.

Histoire d’une absence

Dans Something more, la douceur de la voix acidulée d'Emilie Simon a des accents "(kate)bushiens" et ses paroles d'une sincérité touchante évoquent la suite d'une vie ailleurs que sur terre. Bel amour reste en prise directe avec l'absent et les images continuent de défiler en toute délicatesse : "Si je pouvais tout changer, et si je pouvais braver la mort, j'irais te chercher, plus jamais je ne te quitterais". La chanson introductive Mon Chevalier où mots anglais et français s'entremêlent autour des mélodies volontairement douces et pures rappelle la période Vegetal de la chanteuse au cœur des années 2000.

L'assemblage electro-rock est là mais on est dans un rapport structurel au genre qui s'écarte du son énergique de The Big Machine. Emilie Simon a soigneusement laissé un peu plus de place aux harmoniums, orgues Hammond, glockenspiel et autre scie musicale. Ces sons plus organiques ont eu pour but de souligner la fragilité de l'instant, la fragilité d'une vie pendant un enregistrement qu'on imagine intense, propice au recueillement et à la magie. L'ordinateur continue de rythmer les compos d'Emilie Simon, une façon de travailler chère a l'artiste, mais la chaleur des mots et des sentiments donne un tout autre relief au résultat final.

Encore une fois, musicalement, Emilie Simon a réussi à marier la magie des arrangements aux heureuses trouvailles de la réalisation. Le fait qu'elle pose devant une interminable console de mixage sur la couverture du disque est tout un symbole quand on connaît le talent de réalisateur qu'avait Francois Chevalier.

Autre bonne surprise, le retour de deux personnes connues sur The Big Machine. Graham Joyce avait été un artisan précieux. Il a coécrit pour ce nouvel album, Holy pool of memories avec Emilie tout en la conseillant. Autre revenant de talent, Kelly Pratt, multi-instrumentiste souvent associé aux projets du chanteur américain et francophile Beirut et qui s'était démultiplié sur The Big Machine. La famille musicale d'Emilie Simon n'a jamais été aussi unie.

Site d'Emilie Simon

Emilie Simon Franky Knight (Barclay/Universal) 2011