Christine and the Queens à la croisée des sons
Une artiste complète pour un art complexe. Christine and the Queens est l’espoir de la chanson électro en français et anglais révélée aux dernières Victoires de la Musique et en première partie de la tournée de Stromae. Elle frappe un grand coup avec Chaleur humaine oscillant entre un alliage voix/musique glacial et la chaleur du hip-hop que la nantaise adore.
Une rythmique sophistiquée entre trip-hop et pop british, entre envolées lyriques, notes de piano sépulcrales et mélodies froides dansantes dans un tempo maîtrisé, voilà ce qui frappe d’emblée. Pourtant, paradoxalement, le choix du titre s’est porté sur Chaleur humaine comme pour marquer à contre-pied les esprits malins qui entendraient surtout chez Christine une personnalité complexe, produisant des idées épurées mais aussi a priori inconciliables.
La demoiselle aime les sonorités urbaines ainsi que les influences de la chanson française (Bashung). Références qu'elle ne porte pas en étendard, parfois c'est inconscient (Gérard Manset). Christine alias Héloïse Letissier (26 ans) a pensé son projet loin de Nantes ou Paris, il y a quatre ans à Londres bercée par le son de la ville, sevrée de hip-hop et de dance. Le réalisateur Ash Workman (Metronomy, Tensnake...) l'a rassurée, lui a ouvert une vraie piste (de danse ?).
Contrastes
Linguistiquement Christine aime les langues anglaise et française. Sa voix virevolte entre les deux idiomes sur une bonne partie de son disque. Dans iT ou Saint Claude, Christine manie ses mots comme ses âmes protectrices, les anglaises Liz Frazer de Cocteau Twins et Natasha Khan de Bat for Lashes. La mélodie est très présente sur ce même Saint Claude. Un single cérébral, esthétique, inventif, planant et doucement dansant. "Je voulais ouvrir l’album avec un titre pop dans la pure tradition anglaise, avec une voix un peu neutre, puis proposer des chansons tout en rupture comme pour ma plus connue Nuit 17 à 52, je voulais aussi y ajouter de la tension."
Il y a donc beaucoup de sentiments mélangés chez l'artiste toujours fascinée par les contrastes, d'où peut-être cette attirance pour le monde des drag-queens. Entre froideur un peu gothique dans l'apparence et refrains pop, les cassures sont rebattues avec la beatbox et servent de lit musical pour des paroles taillées comme des boucles de hip-hop.
Appel au rêve
Les brisures, les collages et leur répétition surprennent sur un standard repris, Paradis perdus, une relecture de la chanson de Christophe enrichie des paroles du hit Heartless du rappeur américain Kanye West, un véritable contrepoint à la V.O. de l’auteur des Mots bleus. "C’est venu naturellement de réconcilier deux univers aussi différents que le hip-hop et Christophe." Ce dernier a, semble-t-il, beaucoup apprécié cette version au point d’inviter Christine à venir le rejoindre pour interpréter la chanson avec lui sur scène prochainement.
Ce qui transparaît chez Christine, c'est ce sentiment de grande cohérence artistique, cet appel au rêve. On plane, on chaloupe, on est saisi par cette galerie de fresques tout en équilibre. Il n'y a pas pour autant de titre à danser tout l’été, "c’est étrange car je suis une fan du dancefloor mais je cherchais à dégager une sensation de mélancolie dans mes morceaux." Ce croisement de sons et de sentiments fera très certainement le bonheur de réalisateurs de cinéma en manque d’inspiration pour leur B.O. Après tout, Christine a aussi touché à la scène. Pas étonnant qu’elle parvienne à mettre en musique ses courts-métrages imaginaires.
Christine & the Queens, Chaleur humaine (Because Music) 2014
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Site officiel de Christine and the Queens
A écouter : le Rendez-vous Culture de RFI du 19/06/2014.
la session live dans La Bande Passante (15/07/2014)