Idir, un artiste rare
Artiste discret, Idir cultive une relation intime avec son public. En quatre décennies, ce fils de berger né en Grande Kabylie n’a composé et enregistré que quatre véritables albums. Il revient, avec un nouvel opus égrainant une touchante série de chansons qui permet à l’artiste de libérer toute l’essence de son âme kabyle et les parfums de son enfance.
"L’album n’a pas de nom" confie Idir avant d’ajouter "ou si il en a un, c’est le mien !". Le décor est planté avec au centre : Idir. Musicien et poète, Hamid Cheriet de son vrai nom (Hamid Ceryat en kabyle) a accompagné de sa voix mélancolique plus d’une génération de Kabyles, mais aussi des amateurs de musique aux quatre coins du monde qui ignoraient souvent tout de l’histoire de ce peuple de cultures et de traditions berbères.
"La douzaine de chansons ont le même âge que moi" reprend-il comme pour signifier que ce cinquième album s’inscrit dans une histoire, la sienne où rythmes ternaires, 6/8 kabyle et sons de la ghaïta, du bendir ou de la basse ont toute leur place. "C’est ma maison de disque qui m’a sollicité. Je me suis donc mis au travail et ai tout enregistré à la maison".
Comme souvent avec Idir, on a l’impression que son destin a pris le pas sur sa volonté, un peu comme en 73, il y a tout juste 40 ans, quand il avait démarré sa carrière en interprétant Rsed a Yidess (Que le Soleil tombe), une berceuse écrite et composée pour une chanteuse qui ne s’est jamais présenté lors des séances d’enregistrement.
Ce sera son premier succès radiophonique, trois ans avant son A Vava Inouva. Cette autre berceuse écrite, elle, avec la complicité de Mohamed Benhamadouche, est depuis fredonnée bien au-delà des frontières naturelles de la Kabylie. Pour les exégètes des musiques du monde, A Vava Inouva est un des premiers hymnes de la sono-mondiale.
"C’est le métier de chanteur qui est venu à moi. Je n’ai pas choisi" explique celui qui a étudié la géologie et devait devenir un des cadres de l’industrie pétrolière en Algérie. "Quand je n’ai rien à dire autre que moi, je me tais" confie-t-il comme pour justifier le nombre réduit d’albums qu’il laissera à la postérité.
Fils, mais aussi père, Idir invite sa fille à le rejoindre sur quelques titres dont un touchant Sans ma fille, que chante cette dernière. "Je l’ai laissée exprimer les angoisses d’un père qui voit sa fille partir pour fonder une autre famille et se demande s’il pourra devenir ami avec l’homme qu’elle a choisi ; des angoisses qu’elle a pu lire sur mon visage, dans mon regard" confie ce père qui au passage reprend en kabyle Plaisir d’Amour, s’inspire sur Targit de la mélodie irlandaise popularisée notamment par Simon & Garfunkel pour leur Scarborough Fair ou laisse la flûte du musicien traditionnel Saïd Axelfi, réinventer L’Hymne à la Joie de Beethoven sur Tajmitt i Ludwig.