Mahaleo, 40 ans d’histoire(s) de Madagascar

<I>Mahaleo, 40 ans d’histoire(s) de Madagascar</I>
© kanto

Sur les hauts-plateaux de Madagascar, faire un feu de camp sans jouer ni chanter Mahaleo paraît tout simplement inconcevable tant le répertoire de ce groupe a pris place dans les esprits. Pour en savoir plus sur cette formation apparentée au courant folk, déjà au cœur d’un long-métrage réalisé par Cesar Paes et Raymond Rajaonarivelo en 2005, ses différents membres se racontent et retracent leur belle aventure collective dans un livre d’entretiens orchestrés par Fanny Pigeaud, Mahaleo 40 ans d’histoire(s) de Madagascar.

Il n’y a pas que des lémuriens à Madagascar. Il y a aussi Mahaleo, spécimen musical endémique à la Grande Île. Prenez sept lycéens d’Antsirabe, grosse ville agricole à quelques heures de la capitale, mettez leur des guitares entre les mains, placez-les dans un contexte insurrectionnel à une époque où l’idéologie socialiste semble la meilleure alternative au post-colonialisme, et vous obtenez Mahaleo, variante locale du courant des protest singers.

Depuis ses débuts, en 1972, le groupe conserve un statut particulier auprès de ses compatriotes. Tsilavina Ralaindimby, journaliste à la télé nationale et futur ministre de la Culture, l’avait bien compris, lui qui fut le premier à consacrer un long reportage à ces jeunes peu après qu’ils soient sortis de l’anonymat. Près de quatre décennies plus tard, la journaliste française Fanny Pigeaud a fait le choix de revenir sur ce groupe emblématique qui traverse les époques, réunit encore des foules considérables sur une grande partie du territoire et n’appartient plus vraiment à ceux qui l’incarnent puisqu’il est devenu un bien commun inaliénable.

Tour à tour, Dama, Bekoto, Raoul (décédé en 2010) et les autres prennent la parole, reviennent sur tel événement, telle période qui a marqué l’histoire récente mouvementée de Madagascar et dont l’auteure a rappelé les grandes lignes. C’est le moyen de faire remonter des anecdotes ou plutôt de découvrir comment chacun a vécu ces époques, de décrypter ce groupe et son (non) fonctionnement – leur nom signifie “libre”, “indépendant”, en malgache.

Si l’ouvrage remplit parfaitement sa fonction pour les “mahaleophiles” et complète ainsi ce qui a déjà été écrit (La Saga Mahaleo, de Randy Donny, biographie très documentée), en revanche, il reste peu évident d’accès, tant sur la forme adoptée que sur le fond, pour les non-initiés, catapultés dans une société largement méconnue. Les 35 photos en noir et blanc et les 180 pages du cahier de chansons traduites en français peuvent servir de portes d’entrée parallèles. Mais cela n’efface pas le sentiment, au final, que ce livre, bien que constitué d’entretiens, ne fait pas l’effort d’aller vers celui qui ne connaît pas Mahaleo et voudrait le découvrir. Comme si la démarche des membres du groupe, restés centrés sur leur île tout au long de leur carrière, avait déteint sur le projet. Mais après tout, Shakira a bien remis au goût du jour un ancien tube du très français Francis Cabrel. Qui sait si, demain, Sean Paul ne reprendra pas Mahaleo ?

Mahaleo, 40 ans d'histoire(s) de Madagascar Entretiens avec Fanny Pigeaud (Editions Laterit) 2012