C'est presque malgré elle que Luce remportait le concours de l’ultime édition de l'émission de télé La Nouvelle Star en 2010. Elle n’était pas chanteuse, et avait abordé le casting avec légèreté en jouant la carte de la comédie. Sa spontanéité, son audace et ses interprétations ont séduits le public. Aujourd’hui sort Première phalange, un album pop haut en couleurs et en émotion, qui met en avant son goût pour l’absurde.
Elle s’appelle Luce Brunet, a les "cheveux rouges", l’accent de Perpignan et le naturel de ses 21 ans. Après quatre années de théâtre, du lycée au conservatoire, elle est en école d’infirmière lorsqu’elle décide de s’inscrire au concours de La Nouvelle Star, avec pour seul bagage musical dix années de flûte. "C’était plus pour m’amuser, mais j’ai compris que j’avais vraiment quelque chose à y gagner et à découvrir, sur moi-même et sur les gens avec qui je travaillais."
Entre la musique et le théâtre, pourquoi trancher quand on les considère comme complémentaires ? "Je choisis de trouver l’équilibre entre la musique que j’ai envie de faire et le théâtre que j’ai envie d’y amener." Ainsi est né le concept peu banal de présentation de l’album, Les jeudis de Luce. Chaque jeudi, une vidéo réalisée par Audrey Najar et Frédéric Perrot a été diffusée sur le site Internet de Luce*, chacune illustrant sous forme de sketch un titre de Première Phalange. Luce y joue son propre rôle face à Gaël Giraudeau, qui interprète le personnage de Bobby, dans des saynètes décalées et pleines d’humour.
En plus des douze morceaux qui composent le disque, on trouve également trois parenthèses originales auxquelles la chanteuse a pensé instinctivement : "Je savais que je voulais trois interludes afin d’aérer la musique pour justement pouvoir insérer du théâtre sur scène".
La première empreinte
Le disque s’appelle Première phalange, un drôle de titre pour une drôle de fille. "Je voulais que l’album ne porte ni mon nom, ni le titre de l’une des chansons. On a su que ce serait un projet très personnel dès le départ, la question de l’identité était en jeu : la première phalange est celle dont on prend l’empreinte. C’est aussi une manière de lever un doigt : je ne dis pas de quelle phalange il s’agit, ça peut être l’index comme mon doigt d’honneur, ou plein de choses, je laisse place à la libre interprétation."
Comme un autoportrait, Luce se décrit dans La reine des moules, et s’y livre d’une autre manière : "L’image que je véhiculais était juste, mais on n’est plus dans un show télé, il y a à la fois plus de pudeur et plus de confidence". Dans l’énergique La Machine, interprétée en duo avec le rappeur Orelsan, elle s’amuse de son quotidien car elle est "tout le temps connectée sur Facebook". Les chansons lui ressemblent "presque trop" : elle évoque sa grand-mère dans La Symphonie d’Alzheimer, et rend hommage au talent de son grand-père pour cuisiner La Compote dans un interlude.
Luce a du mal à dire "je t’aime", le confie avec émotion dans L’Amour blême, et parle de sa génération dans Apocalypse, écrite à quatre mains avec Orelsan. "C’est l’image de la décadence de la société : tout va mal mais on le vit bien." Le morceau est aussi psychédélique que les effets de la MDMA (ecstasy) qui y sont évoqués. "On a voulu aller vers quelque chose d’assez violent : on explique que les enfants meurent sous des pneus, mais que si la fin du monde arrivait, on se sentirait bien. La personne qui vit cette histoire est ailleurs car complètement droguée, et se sent très bien comme ça."
Entre excès et poésie
Fidèle à sa nature excessive et généreuse, Luce est directive dans le travail sans être autoritaire dans la vie. Elle a tenu à coécrire quatre des textes de l’album : "Je suis assez jeune et ne sais donc pas bien écrire". Mais "on est plus crédible quand on apporte quelque chose fait avec ses mains", juge-t-elle. Ainsi sont nées la valse-rock Elise et J’me fume, en collaboration avec Mathieu Boogaerts.
Luce provoque dans La Fessée, elle aime ce qui est "borderline". "C’est un peu comme quand la fille sexy arrive dans les James Bond. Ça fait partie de moi, ça met les autres mal à l’aise et moi, pas du tout. C’est une manière de se protéger, comme l’humour. J’avais vraiment envie d’une fessée dans l’album, sans qu’il y ait de malentendu."
Elle a fait appel à Philippe Katerine pour l’intermède burlesque Mes tongs, qui intervient sur l’album comme une douche écossaise après J’aime la pluie, composé pour elle. "Ce qui me touche chez lui, c'est qu’il sait révéler la poésie de quelque chose du quotidien, quand on ne la voit pas. Je voulais une déclaration de lui. Je lui ai un jour envoyé un SMS dans lequel je lui confiais que j’aimais la pluie, mais pas celle de Paris. Il en a fait une chanson. Elle est très simple, c’est de la pluie et de l’amour."
Luce raconte sa propre histoire comme si elle était "à la maison", et imagine déjà sa tournée à venir : "J’aimerais créer une intimité, que le public soit présent pour participer et construire autre chose pendant le spectacle". Comme pour prolonger l’atmosphère du disque, Luce la chanteuse laissera aussi sa place à Luce la comédienne.
Luce Première phalange (Sony BMG / Columbia) 2011
En concert le 25 novembre 2011 au Trianon, à Paris, puis en tournée en France.