René Lacaille èk Marmaille : l’accordéon charismatique

René Lacaille èk Marmaille : l’accordéon charismatique
René Lacaille èk Marmaille © DR

Juste un an après Fanfaroné, René Lacaille, 69 ans, revient, avec sa Marmaille, nous faire danser et penser sur les rythmes de l’océan Indien. Gatir est un album festif qui revendique la tradition et son métissage.

"J’ai appris le français à l'école et je ne suis pas sûr, même maintenant, de bien le parler…" : René Lacaille rit dans sa barbe blanche. "C’est le créole qui me vient tout naturellement. Je ne pourrais écrire en français mes chansons car elles sont imagées et jouent sur les mots : c’est vraiment l’esprit créole et la poésie de cette langue que je veux partager."

Avec son nouvel album, Gatir ("Le lien"), le huitième depuis 1996, René Lacaille met en valeur les évolutions musicales de ses racines créoles. Cela s’entend en particulier sur les trois instrumentaux de l’album, principalement celui de Père Fuzion qui mêle aux rythmiques, aux guitares et à l’accordéon réunionnais, le rubab afghan joué par le guitariste Thierry Robin et le violon de Richard Bourreau, l’un des deux fondateurs des Lo’Jo avec Denis Péan, que l’on entend, lui, dans Kabaré kréol. Même jeu avec le trombone jazz d’Elisabeth Hérault sur l’excellent Tiap Tiap. Vous avez dit "métissage" ? L’album se clôt donc avec le remix royal de Groix par DJ Click, du groupe d’électro-jazz parisien UHT° : accordéon créole et samples hypnotiques…
 
Il n’en demeure pas moins que Gatir est profondément enraciné dans les rythmes réunionnais, maloya et séga, leurs instruments, accordéon, guitare et percussions, ainsi que dans la culture de cette île. Une preuve ? La Marmaille ! A savoir les enfants de René : Oriane (percussions) et Marco (basse). "Il y a une tradition de groupes familiaux dans le maloya et dans les orchestres de bal réunionnais, résume René. Jouer avec mon père a été mon apprentissage et je n’avais pas d’autre rêve que de jouer avec mes enfants. C’est d’ailleurs Marco qui a réalisé Gatir." Marco Lacaille a également écrit Kabaré kréol, l’un des titres vedettes, qui ouvre l’album sur le rythme lancinant du maloya éclairé par la guitare mutine de René et les chœurs angéliques du refrain…
 
L’humour créole trouve aussi largement sa place sur Gatir. Un humour souvent basé sur l’autodérision, un art dans lequel excelle René Lacaille. Par exemple lorsqu’il incarne, avec sa voix rugueuse, le personnage de Gatir, attaché par les liens du mariage, qui étouffent puis se brisent. Citation traduite : "Nous étions très proches, comme l’est la courge avec la morue"… Autre moment de danse et de raillerie : Lo Tandon. Sur un rythme syncopé, soutenu par des chœurs ironiques, René évoque ses "sauts de lapin" lors d’un concert donné avec Danyèl Waro, des sauts qui s’achevèrent par une déchirure du tendon d’Achille…
 
Dans Père Fuzion, les choses sont différentes. Lacaille èk Marmaille ne mettent plus en scène un personnage burlesque : ils regardent autour d’eux leur île et sa pratique des subventions de "colons" détournées par des "parrains". Toujours sur un rythme entraînant et avec ces chœurs acidulés qui jouent dans Gatir un rôle semblable à celui qu’ils assumaient dans la Grèce antique. Pour ne pas oublier que René Lacaille èk Marmaille font certes rire et danser. Mais qu’ils savent aussi piquer.
 
René Lacaille èk Marmaille, Gatir (Do Bwa/ L’Autre Distribution) 2015
 
Site officiel de René Lacaille
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