Iza
Revenue depuis peu dans le paysage musical réunionnais qu’elle avait marqué il y a deux décennies en signant un tube aux couleurs de l’époque, Iza s’est entretemps convertie au maloya, forme musicale traditionnelle de cette île de l’océan Indien qu’elle est parvenue à marier à sa voix. Une combinaison qui fait le charme de son nouvel album intitulé An Partan.
Formaté, le maloya ? Le reproche longtemps adressé à ce blues des esclaves réunionnais semble avoir fait définitivement long feu. Comme Lindigo ou Nathalie Natiembe qui ont su se montrer innovants, Iza rappelle à son tour avec An Partan que les genres musicaux ne sont fermés de nature.
Dans le processus de renaissance à la musique qu’elle a entamé en 2005, après avoir mis en parenthèse sa carrière pendant quinze ans, la native de Cilaos s’était jusque-là laissée guidée par le chanteur Davy Sicard. Mais l’auteur de Maloya Kabosé, coach bienveillant, a estimé qu’elle avait désormais toutes les cartes en main pour s’émanciper de sa tutelle artistique.
Compositions, paroles, arrangements : Iza s’est impliquée, investie dans tous les domaines et connait chaque recoin de son nouveau disque. Dès lors, qu’elle le considère comme "celui qui [lui] ressemble le plus" parait pleinement justifié. Au-delà de l’expérience nécessaire, il lui a fallu acquérir cette confiance qui lui faisait défaut.
Longtemps, elle a essayé "d’être quelqu’un d’autre" après avoir mal vécu la façon dont elle était regardée, jugée, quand elle avait quitté les hauteurs de l’île volcanique pour la côte. "Amwin yab, ni kaf ni malbar"(Je suis une Yab, ni Cafre ni Malbar), affirme-t-elle dans Lès pa. Pour chanter le maloya, "une manière de vivre plus qu’une musique", il lui fallait s’approprier son identité. Nathalie Natiembé lui a offert un texte qu’elle a accommodé au créole tel qu’on le parle dans ses montagnes.
Elle revisite aussi l’un des monuments du patrimoine local, Rès la maloya d’Alain Peters, ou encore une chanson que son père avait gardé en mémoire depuis son jeune âge et qu’il introduit en toute fin du CD, une fois les douze morceaux officiels terminés. Mais si cet album se démarque du reste de la production réunionnaise, c’est d’abord pour cette voix, pleine, puissante, séduisante, inhabituelle dans le monde du maloya. Elle en gomme les aspérités apparentes, parfois perçues comme des obstacles, apporte à l’ensemble une forme de fluidité et de rondeur bienvenues. Elle ouvre une porte vers une culture qu’elle rend soudain bien plus accessible.
Iza An Partan (MDC/Harmonia Mundi) 2012
En concert le 11 mai 2012 au Satellit’Café à Paris