Lindigo, la vie Maloya
En provenance de l’océan Indien, le groupe Lindigo a débarqué à Paris pour présenter Maloya Power, son tout nouvel album, qui devrait embraser 2012 de sa bonne humeur et de ses rythmes 100% contagieux ! Olivier Araste, le charismatique leader de cette formation galvanisante, à l’enthousiasme inaltérable, revient sur la gestation du disque, son combat et sa foi dans le maloya. Rencontre.
RFI Musique : Que vous jouiez sur scène, en discothèque ou dans les cérémonies (Servis Kabaré), éprouvez-vous toujours la même spiritualité ?
Olivier Araste : Bien sûr ! Mes ancêtres m’entourent à chaque instant. La même énergie, la même force circule : un flux identique, une communication permanente, une foi qui me transcende. Peu importe l’endroit, lorsque je chante maloya, je m’engage à 100% par le cœur, le corps et l’esprit.
Vous vous apprêtez aujourd’hui à sortir votre quatrième album, Maloya Power... Quel mot reflète au mieux cette création et votre état d’esprit ?
Assurément l’amour ! Ce disque en regorge : pour la cuisine, pour mes enfants, mes amis, pour mon île, pour la vie... De l’amour, toujours et partout, enregistré sous les yeux et la bénédiction d’un nouveau-né : le bébé des amis qui nous prêtaient leur maison. J’ai composé les bases de ce disque autour d’onomatopées chantées avec mes deux fistons, Johannes (six ans) et Xavier (trois ans). Des fondations familiales, que nous avons ensuite cultivées avec mes musiciens, au cours de nos voyages, de nos répétitions... Et puis, Maloya Power a été enregistré au grand air, dans une cour pleine de bonheur ! Le maloya ne saurait, en effet, s’enfermer entre les murs d’un studio. Pour que la magie surgisse, il faut la communication entre la terre et le roulèr. On a donc joué dans un jardin bordé de champs de cannes, avec pour seule compagnie des poules, des oiseaux, des chiens, des enfants...
Pour la réalisation de cet album, vous avez fait appel à Fixi (du groupe Java, ndlr). Que vous a apporté cet œil extérieur ?
J’ai rencontré Fixi lors du Sakifo 2009 : bon feeling, bon échange... Il a passé quelques temps à la maison, à Bras-Panon. Il a pris le temps de me connaître, de me comprendre et a très vite intégré l’esprit de notre maloya. A Lindigo, il a apporté son expérience et la structuration qui nous manquait. Nous, quand on joue, on ne compte jamais : on sait quand ça commence, jamais quand ça finit ! Il a cadré nos morceaux dans des formats acceptables. Surtout, sa devise était : "Lâchez-vous !" Je crois qu’il a apporté à tous les musiciens la confiance nécessaire, pour qu’ils cessent d’être timides. Madia, par exemple, qui jouait du kamale ngoni replié dans son coin, fait aujourd’hui chanter son instrument sur les pistes du disque... On convoque aussi le balafon, l’accordéon, les influences brésiliennes... Bref, on explore d’autres possibilités. On ouvre les fenêtres vers de nouveaux horizons, décomplexés ! Ca s’appelle grandir, non ? Fixi nous a permis cette liberté et l’a, en même temps, canalisée.
Votre titre, Maloya Power, ainsi que le poing levé dessiné dans votre livret, révèle-t-il un album militant ?
Dans ce disque, je pense à toute l’épopée du maloya : aux esclaves réunis dans les cabanons pour chanter leur pays, célébrer leurs ancêtres ; à nos aînés, tels Danyel Waro, qui se servaient de leur art pour dénoncer les dérives politiques ; à l’interdiction du style par les institutions jusque dans les années 1980 ; à sa manière d’incarner l’identité créole réunionnaise... Et moi, dans tout ça, comme toute ma génération, qui porte le flambeau avec une fierté grandissante. Mais il ne faut pas lâcher ! Ma musique, celle de mes ancêtres, se conjugue aujourd’hui au futur. Ainsi, chaque jour, Johannes et Xavier, élevés au maloya, s’exercent au kayamb, au roulèr : une gymnastique quotidienne ! Pour autant, je ne souhaite pas qu’ils en fassent leur métier. Pour les politiques et la société, ça reste du maloya ; on continue de te mettre des bâtons dans les roues, que tu dois avoir en acier trempé ! Beaucoup de gens aiment la saveur de ta cuisine au feu de bois, mais parfois les décideurs viennent critiquer l’hygiène et préfèreraient des plats aseptisés.
Le maloya est-il un art de vivre au quotidien, au-delà de la seule musique ?
Pour moi, ce style musical est une somme d’amours additionnés : la force, la fierté d’êtres nés à la Réunion, ce petit caillou, cette pierre précieuse, qui regorge de tant d’histoire(s). Le maloya, c’est la pureté, et ce battement qui me hante à chaque moment de la journée. Il n’y a pas de temps spécifiquement "consacré" à mon art. Je fredonne quand je me lève le matin, quand je donne à manger aux animaux, quand je jardine... Et quand tu vis "maloya" c’est différent, ça apporte un supplément d’âme. Malgré les tracas, les soucis et autres cheveux blancs, tu ne peux t’empêcher de penser : oté, la vie est belle !
Lindigo sur FB
Lindigo Maloya Power (Hélico) 2011