Trio Teriba, le sens du rythme

Trio Teriba
© E. Chabasseur

Depuis plus de dix ans, le Trio Teriba recherche des rythmes du Sud au Nord du Bénin pour nourrir son inspiration. Avec Akpè, son second album, le Trio Teriba a ravi la deuxième place au Prix Découvertes RFI/France 24. L’occasion d’aller à la rencontre de Carine, Tatiana et Zekiath, chez elles, à Cotonou.

Pour se rendre chez Carine et Tatiana, les deux sœurs du Trio Teriba, il faut indiquer au zembidjan, le taxi-mobylette, qu’on veut aller au collège Sègbeya, proche du nouveau pont de Cotonou. Ensuite, Serge Ologoudou nous guide. Animateur populaire de l’émission Bénin Cadence, sur Atlantique FM, il a invité le trio à jouer live en 2002 pour célébrer le cinquième anniversaire de son émission. 

Ce fut la première prestation remarquée des chanteuses et l’acte de naissance officiel du groupe. Serge est devenu depuis leur manager. Sur le pas de la maison, il appelle : "Les filles" ! Carine et Tatiana, rejointes par le troisième membre du groupe, Zekiath, arrivent, tout sourire et se présentent chaleureusement en accolant "Teriba" à leurs prénoms, comme si elles appartenaient à une même famille. En yoruba, teriba, c’est l’humilité, une vertu au coeur de leur démarche artistique et personnelle.
Percussions
Dans la cour de la maison, qui est aussi le principal lieu de répétition du groupe, les percussions traînent : trois calebasses, des tambours, ce qu’on appelle ici les "castagnettes", mais ailleurs en Afrique de l’Ouest le shékéré et bien sûr les cloches, instrument clé de la musique du Sud du Bénin. Prêtes à servir.
 
D’un sac de sport noir, Carine sort toutes sortes de petits hochets en osier tressé, percussions en cuivre ou en bois "Tout ça, a été glané lors de nos recherches. Au Bénin, il y a tout une panoplie de rythmes qu’on n’a pas fini d’explorer, il existe plus de 260 langues. En face de cette diversité, nous nous sentons très petites. Heureusement, on a encore quelques grands-tantes qui nous transmettent des rythmes. Toutes les trois, nous sommes sudistes, mais nous sommes aussi parties chercher les sonorités du Nord, encore un autre monde à découvrir", explique Carine.
 
A leurs débuts, elles étaient tentées de mettre en valeur leurs voix à travers le hip hop ou le r'n'b. Aujourd'hui, le Trio Teriba centre sa musique sur la polyphonie et la percussion, la base de son deuxième album, Akpè. Quand l’une tape sur une cloche pour en faire entendre le son, les autres se mettent à chanter en polyphonie, avant d’exploser de rire.
 
Carine et Tatiana ont découvert leur voix à la chorale de l’église puis dans les concours inter-collèges. Zekiath a fait son apprentissage au pensionnat catholique, chez les sœurs : "Je n’ai pas choisi, nous étions obligées d’aller à la chorale, même moi qui suis musulmane. En rentrant à la maison, j’entendais les chansons religieuses et la musique yoruba du Nigéria".
 
Les deux sœurs ont des frères qui écoutaient à plein volume Fela Kuti ou King Sunny Adé, et un père fanatique du Tout Puissant Poly-Rythmo de Cotonou. Dans le salon familial, le tchinkoumé, la musique rituelle, urbaine ou l’afro-cubain constituait leur univers sonore quotidien : une richesse qui s’entend encore aujourd’hui dans Akpè. "On a grandi en ville, ici à Cotonou, donc le tradi-moderne, on a vraiment baigné dedans… C’est pour nous tout naturel de donner à ces rythmes une couleur contemporaine" précise Tatiana.
 
Le Congolais Fredy Massamba, lui aussi partisan de la rencontre entre le son de la brousse et la vibration de la ville, a arrangé deux titres de l’album Akpè. On entend sa voix, façon beat-box sur le morceau Nonvi, enregistré à Bruxelles.
 
Reconnaissance
 
Depuis 2007, le Trio Teriba s’internationalise : MASA d’Abidjan, Nuits Atypiques de Koudougou au Burkina Faso, tournée européenne en France et en Belgique… Jusqu’à se retrouver en deuxième position du Prix Découvertes RFI / France 24, en octobre dernier, après le Namibien Elemotho. "Cette nomination nous a légitimé au niveau national : tout le Bénin était derrière nous" explique Carine.
 
Et la bénédiction de la "grande sœur" Angélique Kidjo, présidente du jury, incite les filles à aller de l’avant. "C’est bien sûr un modèle pour nous, sa façon de chanter nos langues, de rendre universels nos rythmes : tout est remarquable chez elle !", rigolent-elles ensemble.
 
Aujourd’hui, le Trio Teriba est le seul groupe féminin du Bénin. Danseuses, chanteuses et ambianceuses, Carine, Zekiath et Tatiana sont impressionnantes sur scène. A Cotonou, elles se produisent dès que possible, au Palais du Peuple, sur la scène de l’Institut Français, de l’Espace Tchif ou du Yes Papa, un cabaret non loin de la place de l’Etoile Rouge… Mais ce soir, pas de concert pour "les filles", le dernier né de Carine a de la fièvre. Serge Ologoudou viendra seul découvrir les jeunes talents qui donnent aux nuits de Cotonou leur frénétique cadence.
 
Trio Teriba Akpè 2012

A écouter dans Musiques du Monde sur RFI, (Sam15 21h10-23h00 Paris 89Fm et

Dimanche 16 Afrique 23h10-01h00 Tu) un reportage sur le Trio Teriba