Le rap doux et amer de Billy Billy

Le rap doux et amer de Billy Billy
Billy Billy au Femua © A.jogama-Andy

Poil à gratter des autorités ivoiriennes, à l’image de sa Lettre au Président qui a fait sensation cette année, le rappeur Billy Billy met son sens de la formule au service de ses convictions, faisant à la fois preuve d’impertinence et d’humour. Lors du sixième Femua (Festival des musiques urbaines d’Anoumabo) organisé à Abidjan en avril, il était l’invité de l’émission Couleurs Tropicales sur RFI.
 

Si l’objectif initial du CD 4 titres Avant propos était de faire patienter le public de Billy Billy en attendant le troisième album Compte rendu prévu pour cette année, il se pourrait que le projet n’ait fait qu’accroitre l’impatience.Car le rappeur de 33 ans a frappé fort avec sa chanson intitulée Lettre au président. Extrait : "L’on me reproche d’avoir le culot de m’adresser directement au chef de l’État. Mais si un employeur ne peut pas parler à son employé, chez nous les nouchis on dit, on est dans quoi ? Jusqu’à preuve du contraire, il est là parce que nous l’avons souhaité. Donc les kpakpatos de la présidence, taisez-vous, le Président va écouter son CD."

Le style est direct, au nom de la liberté d’expression. Une preuve de courage ? "Je ne vois pas ça comme du culot, mais comme un devoir, mon droit", justifie l’intéressé. Sa missive serait même parvenue à son destinataire puisqu’il assure avoir été contacté par le couple présidentiel, qui l’aurait félicité pour sa chanson. Résultat, le disque se classe "meilleure vente chez les pirates", ironise celui qui fut en conflit ouvert avec le Burida (bureau des droits d’auteur ivoirien), institution qui l’avait déchu de ses titres nationaux de "meilleur artiste hip hop rap" et "révélation de l’année 2008" mais contre laquelle il avait par la suite, gagné son procès.

Depuis Allons à Wassakara, le titre qui l’a révélé en 2007 faisant référence au quotidien des habitants de ce quartier de Youpougon à Abidjan, la démarche de Billy Billy repose d’abord sur "l’envie de crier haut et fort la souffrance du peuple africain", tout en donnant l'espoir, car "on peut partir de rien et devenir quelqu’un”. Dans sa ligne de mire, il a en particulier "les dirigeants qui confondent le pouvoir et le repas du soir".
 
 
Ecartant toute idée de parti pris à l’égard de certains de ses compatriotes, il explique agir "pour tous les Ivoiriens". C’est aussi pour cela que son dernier CD 4 titres contient Dioula a pris coupe. Le titre fait écho, d’une certaine façon, à Bété a réussi, single de son précédent album Réunion de famille paru en 2009 et sur lequel il se moquait des changements de comportement que la réussite pouvait induire. "Puisqu’on avait parlé de Gnahoré, il fallait qu’on parle de Moussa", sourit-il.
 
Quand il est venu au rap, en 1997, c’était moins par passion que "par phénomène de mode", pour "suivre le mouvement", reconnait-il. Mais "à un moment, tu te rends compte qu’il y a une voix qui t’interpelle, une sorte de tribunal de ta conscience qui te dit qu'il faut que tu dénonces certaines choses", confie l’artiste qui se rêvait avocat quand il était sur les bancs de l’école. Une autre façon de s’engager sur le plan sociétal pour défendre ceux qui en ont besoin.