Africajarc 2015

Africajarc 2015
Moh! Kouyaté et Maya Kamaty © A.Poissonnier

Comment faire aussi bien avec moins ? Cette équation, à laquelle sont confrontés en France nombre d’événements culturels, le festival Africajarc l’a résolue avec succès. Pour sa 17e édition, du 23 au 26 juillet 2015, l’événement a su se réinventer. Revue de détail.

Pendant trois jours, Cajarc, petite ville du Lot de 1.000 habitants, dans le sud de la France, se métamorphose. Couleurs et sons de l’Afrique prennent possession des ruelles et courent jusqu’aux rives du fleuve, près duquel sont dressées les deux scènes. Si la musique live reste le cœur du festival, cinéma et littérature s’offrent également au public. 

Sur les écrans alternent documentaires pointus et fictions. Parmi les premiers, on peut citer Asni : courage, passion et glamour de Samuel Rachel, qui retrace le parcours hors normes de l’actrice et chanteuse éthiopienne Asnaketch Worku, ou Beats of the Antonov de Kuka Hajooj, qui évoque le rôle de la musique chez les populations des monts Nouba, confrontées à la guerre au Soudan. Parmi les secondes, Rapt à Bamako, de Cheick Oumar Sissoko, invité d’honneur du festival, comédie inédite en France qui dénonce la faillite des élites ; Hope, de Boris Lojkine, qui retrace la difficile route des migrants à travers le Sahara...

Les débats du Grin littéraire, eux, donnent à rencontrer auteurs et chercheurs. A Africajarc, on a par exemple entendu Lilyan Kesteloot, de l’université de Dakar, raconter avec passion le travail de Cheikh Anta Diop et les obstacles malveillants dressés sur le chemin de ce savant…
 
15 groupes en 3 jours
 
Sur les scènes du bord du Lot, ce sont près de quinze groupes qui se sont produits en trois jours. Nouveauté, la programmation s’est ouverte cette année, à la diaspora africaine, Antilles et États-Unis notamment. Melt in Motherland, le récital qui mêle les mots de la poétesse Nefta à la musique de Gérald Toto, fût un vrai moment de grâce, qui donne envie d’avoir entre les mains le disque de cette rencontre, Musumé, dont la sortie est prévue en novembre.
 
Autre duo coup de cœur, Kolinga, qui a gagné son passage à Africajarc lors du tremplin organisé en début d’année, et réunit le guitariste jazz Arnaud Estor et la chanteuse Rébecca M’Bougou. Elle sample en direct son propre chant, et donne ainsi à l’afro-folk de Kolinga un petit goût de musique de transe…Le Yoruba Kuku, né aux États-Unis, ayant grandi au Nigeria et vivant désormais en France, est venu partager de sa voix exceptionnelle le "gospel a-religieux" de son deuxième album  Ballads & Blasphemy, tout juste paru.
 
Parmi les nouveaux horizons auxquels Africajarc s’est ouvert cette année, il faut aussi saluer l’immense artiste éthiopien Mahmoud Ahmed, qui du haut de ses 76 ans, a tenu la scène d’une main de maître, prolongeant son show afin de donner à The Tuff Lions le temps d’arriver de Toulouse. En effet, Winston McAnuff & Fixi, qui devaient clore la soirée de samedi, ont fait faux bond peu après 16 heures… The Tuff Lions ont relevé le défi et leur reggae tonique portant la voix habitée du chanteur Jahvie, a séduit les festivaliers.
 
Les "Héritiers de l'Afrique"
 
Maya Kamaty, Moh! Kouyaté, Nikki Hill et Zebda, eux, ont porté haut la bannière des "Héritiers de l’Afrique". Si on ne présente plus Zebda et ses succès fredonnés par tous (Tomber la chemise, Motivés), l’énergie toujours intacte du collectif toulousain a été une belle surprise. L’Américaine Nikki Hill, bien que menue au premier abord, impose une voix puissante collant bien à son répertoire rockabilly, qui pourrait cependant gagner en nuances.
 
Les guitares mandingues de Moh! Kouyaté s’inscrivent dans une lignée évidente et assumée : "Même si le nom de Kouyaté, griots depuis le Xe siècle, est parfois lourd à porter, je l’assume avec fierté et j’essaie à mon tour de transmettre ce que j’ai reçu, explique l’artiste qui a tout appris à l’oreille. Les guitaristes qui m’ont directement influencé sont Sekou Bembeya, Ousmane Kouyaté et Amadou Sadio Diallo. C’est Amadou qui m’a donné le premier CD d’un guitariste hors Afrique, un CD de George Benson."

Autre "héritière", la Réunionnaise Maya Kamaty s’inscrit dans la tradition d’un maloya longtemps banni, pour cause de paroles moins conciliantes que le séga. Fille du leader du groupe Ziskakan et d’une conteuse, Maya avait un rapport plus difficile avec le créole qu’avec le français quand elle était enfant ; aujourd’hui les choses se sont inversées. "J’écris tous mes textes en créole. J’en écris aussi en français, mais je les trouve un peu trop fleur bleue pour l’instant. Il faut dire que mes références en chanson française, ce sont Brel, Ferré !" Quoi qu’il en soit, en français ou en créole, la voix limpide de Maya vous transporte.
 
Site officiel du festival Africajarc
Page Facebook de Moh! Kouyaté
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