À force de tubes, de coups d’éclat et de scandales, Petit Pays est devenu un artiste emblématique du Cameroun. A l’occasion de ses trente ans de carrière qu'il fête au Trianon à Paris le 21 février, retour sur une extraordinaire saga.
Que va-t-il bien pouvoir inventer ? Rien ou presque ne filtre de ce concert exceptionnel, et Petit Pays compte bien ménager ses effets. Mais, pour maintenir le niveau, la star camerounaise va devoir frapper fort.
En trente ans de carrière, ses fans ont été habitués aux plus folles extravagances. Il n’hésita pas par exemple à monter sur une scène de Douala dans un cercueil en 2001, ou travesti, pour mieux parler au nom des femmes. Chaque concert africain déchaîne l’hystérie, car rien n’est "normal" chez Petit Pays, même le rapport qu’il entretient avec son public.
Lorsqu’il se produit en Europe ou aux États-Unis, la diaspora se déplace massivement, autant par amour pour le makossalove que par fascination pour le personnage, totalement hors-norme.
Saga
Pour ce concert anniversaire, Petit-Pays joue comme souvent la carte du mystère. Il joue à cache-cache avec les médias, parle du bout des lèvres, donne des réponses elliptiques. Au fond, il sait qu’il n’a pas besoin de promotion.
Depuis trente ans, sa réputation l’a précédé, et "l’ancien parigo", pour reprendre le titre d’un de ses albums, s’appuie sur son public. A Paris, il est attendu. Il sera le premier Camerounais à investir la belle salle du Trianon, idéalement située, proche de Barbès et Château-Rouge, où se trouve une forte communauté d’Afrique Centrale.
Ses fans ont envie de croire à la légende : il aurait été doté d’un don à sa naissance, ce qui le rend d’emblée prodigieux.
"Voilà la différence entre le génie et le talent", précise Petit Pays, très sérieusement. Cette certitude l’a amené à tracer une voie inédite dans le paysage de la musique camerounaise, totalement personnelle et décomplexée.
Qui d’autre que lui aurait pu poser nu sur la pochette d’un album et en écouler en une seule journée, plusieurs milliers d’exemplaires (Classe F/ Classe M, 1996) ? Très rares sont les artistes africains à avoir osé briser le tabou et banalisé l’homosexualité. Au Cameroun, un pays où l’homophobie est exacerbée, Petit Pays l’a fait dans son morceau Les Pédés en chantant : "L’amour n’a pas de frontières, je suis fou de toi, tu es fou de moi. Les amis, pourquoi ça vous dérange ? Nous, on s’aime, et alors ? Tout le monde est contre nous, on s’en fout". Outrancier, frondeur, Petit Pays n’a que faire du regard des autres, et c’est aussi cela qui déclenche l’admiration, sinon le commentaire.
Dans un article passionnant du quotidien camerounais Mutations, le journaliste Serge Alain Godong décrit justement le phénomène : "L’homme est resté moqueur de toutes les rumeurs qui le rendent extraordinaire, en déployant autant d’efforts que possible pour brouiller les pistes, pour prendre une voie différente que les autres empruntent".
Démarche artistique
Musicalement, en tous cas, la démarche de Petit Pays est tout autre. Pas vraiment à part, mais justement pile là où il faut. Dans l’air du temps. En trois décennies, il a sorti environ trente disques, forcément très inégaux, mais souvent populaires.
Pour composer, il gratte sur la guitare des mélodies et il s’entoure de réalisateurs qui l’aideront à coller à une ambiance… Au fil des années, la recette du makossa à la sauce Petit Pays reste la même, seules les épices changent : zouk, techno ou bientôt un "feeling nigérian".
D’ailleurs, en première partie de son concert du Trianon, il a invité Maalhox le vibeur, auteur du remuant Ça sort comme ça sort, taillé pour les pistes de danse. Petit Pays s’intéresse à cette jeune génération qui a eu l’idée de mélanger makossa et rap et a annoncé sur l’antenne de RFI qu’il enregistrera bientôt un titre avec l’auteur de Coller la Petite, Franko. Toujours dans le coup, Petit Pays.
D’ailleurs, Franko et Stanley Enow font partie des invités du Trianon … "Entouré des Sans-Visa au grand complet, et de nombreuses surprises, Petit Pays donnera un concert aussi mystérieux et magique que son auteur", répète à nouveau Guy Alexandre Mambo de Torpedo Productions.
Si rien ne filtre sur ce qu’il y a aura pendant le concert, peut-on savoir, alors, ce qui se passe dans la loge de Petit Pays avant de monter sur scène ? A-t-il un rituel ? "Toujours. C’est ça le génie, répond Petit Pays. J’aménage une chambre noire, avec des parfums, des encens, des choses visibles et invisibles, qui me disent si c’est le bon moment pour démarrer le concert. Au Trianon, j’aurai un petit coin équipé. Je ne peux pas trop en dire, car c’est privé". Décidément… Pour en savoir plus, il faudra être au Trianon pour souffler les bougies de Petit Pays !
Trente ans de carrière ! Petit Pays au Trianon le 21 février à Paris
