Compilation L’Afrique enchantée
Extension discographique de l’émission de radio éponyme diffusée sur France Inter et animée par Vlad et Solo, L’Afrique enchantée prend désormais l’apparence d’une compilation à thème. Après Ticket d’entrée, premier volume en guise d’introduction paru l’an dernier, C’est moi le chef ! arpente le continent africain en se laissant guider par l’odeur du souffre : politique et musique.
La matière ne manque pas, lorsqu’il s’agit d’illustrer en chanson les réflexions que l’exercice du pouvoir a inspirées aux chanteurs africains. Vu de l’extérieur, ceux qui critiquent – parfois en prenant de réels risques – sont en général mieux considérés que ceux qui ont tendance à caresser dans le sens du poil.
Pourtant, louer les puissants n’est pas forcément à ranger dans les actes de soumissions synonymes d’une quelconque aliénation, mais s’apparente plutôt à une pratique culturelle. C’est le cas du Malien Salif Keita quand il joue les griots sur Mandjou, dédiée à Sekou Touré dont il dit que le rôle fut essentiel dans sa carrière. Promoteur de la culture mandingue, héros de la décolonisation, le premier président de Guinée-Conakry a aussi laissé dans certaines mémoires le souvenir d’un tyran sanguinaire… Si ce morceau, ou plutôt cette “pièce” de plus de 12 minutes, fait partie des quelques classiques que l’on retrouve sur la compilation, tout comme Quitte le pouvoir de Tiken Jah Fakoly et Didier Awadi, le reste de la sélection s’avère assez pointu.
Avec Gouvernement y’a Congo et ses craquements d’époque, elle prend une dimension historique que renforcent le discours de Lumumba ou le reportage effectué à Bangui sur le couronnement de Bokassa. Puis elle se fait amusante, avec cette œuvre de commande passée à l’Antillais Gérard de la Viny qui signe Albert B Bongo, le président qu’il nous faut. Ou encore pamphlétaire avec Un Hongrois chez les Gaulois du Burkinabé Zedess.
Déformation professionnelle oblige, C’est moi le chef ! donne davantage l’impression in fine d’être guidé par la démarche d’un programme radio que par celle d’une compilation musicale. D’autant que sur le sujet, de nombreux trésors jamais réédités mériteraient d’être dépoussiérés. Et ce n’est pas le président gabonais Ali Bongo, quand il s’appelait encore Alain, qui dira le contraire, lui dont l’album afro funk avait été produit dans les années 70 par Fred Wesley, tromboniste et directeur musical de James Brown.
Compilation L’Afrique enchantée (C’est moi le chef !) (RCA Victor/Sony Music) 2012